lundi 23 septembre 2013

QUI A EU CETTE IDEE FOLLE...


 
Ma promo...
... Un jour d'inventer l'école.

Je n’ai jamais été une fan de l’école. Rien que l’idée d’avoir à rester assise 7 heures sur un banc… et puis me farcir la physique, la chimie, les maths… alors que je n’étais attirée que par les cours de français, de théâtre et de sport. Et la récré pour m’amuser (en tout bien, tout honneur !) avec les garçons.  Je profitais de la récré pour jouer des sketches devant mes amis, faire de la photo et planifier le changement du monde en commençant par le système du Collège qui me supportait. Sous ma queue de cheval et mon air de fille comme il faut, j’en ai fait du bruit à l’école. D’ailleurs mes profs ne m’ont toujours pas oubliée !

A partir de demain, d'hier ou d'après-demain, les bienheureux vacanciers des 3 derniers mois, vont reprendre le chemin de l’école avec l’espoir de tomber sur des profs sympas qui ne crieront pas trop, ne puniront pas trop et ne donneront pas trop de devoirs. Des profs qui ne profiteront pas du jeune âge de leurs élèves et de leur innocence pour en faire leur souffre-douleur et déverser sur eux leur trop-plein de colère dû à leurs salaires insuffisant, les impôts augmentant, le voisin chiant et bien sûr à la classe bruyante. Il faut dire qu’avec un minimum de 30 gosses dans une classe, ils ont du mérite les instits. Vous dès que la salle de séjour se remplit de 4 mômes, vous sentez la migraine poindre. 

Et la migraine commence pour les mamans avec le jour où il faut couvrir les livres. Le meilleur moyen pour ne pas devenir enragée est de s’isoler dans une pièce au calme afin de ne pas se laisser perturber par des phrases comme :
- « C’est pas droit, maman »
- « Tu coupes comme tu te gares, de travers »
- « Chaque année tu insistes pour le faire, chaque année tu n'y arrives pas ! ».
Mais si vous répondez « fais-le toi, si t'es tellement expert », soudain toute la maisonnée est  atteinte du virus «pasletempsdelefaire», virus qui rend invisible !

Mais il faut avouer que la vie d’un gosse, ce n’est pas facile.

Le matin, le soleil lui-même ne s’est pas levé. Mais nos enfants si. En somnambules, sous les « Yalla fais vite » de la maman,  ils traversent les couloirs de la maison, s’habillent machinalement, avalent un petit déjeuner sans même s’en rendre compte, angoissent sur la récitation de la leçon d’histoire qu’ils n’ont pas vraiment comprise et puis descendent attendre l’autocar dans le froid. L’autocar est archi plein et il y a toujours un gosse plus grand pour hurler à l’oreille de votre aîné “ Il est amoureuuuuuuux, il est amoureeeeeeeeeeeeeheuuuux” parce qu’il s’asseoir toujours prés de la même fille. Pas facile de commencer les matins comme ça! Sans oublier un examen tous les trois mois, un contrôle tous les mardis matin, le brevet puis le bac… Non, ce n’est pas facile la vie d’un gosse.

Nous, “les grands”, nous poireautons au lit, les oreilles encore bourdonnantes des décibels de la boite de nuit de la veille. Nous prenons tout notre temps à la toilette, nous choisissons notre petit-déjeuner et puis nous allons au bureau en écoutant la station radio de notre choix. Tranquilles. Il y a bien une petite angoisse trois ou quatre fois par an quand il faut présenter un projet important, mais rien qu’une tasse de café ou un whisky bien tassé la veille ne peut pas faire passer. Vous vous imaginez si une fois par semaine nos patrons nous faisaient passer un contrôle d’aptitude avec des notes et qu’à chaque fois que nous arrivons en retard, que nous bavardions au bureau ou que nous donnions notre avis sans lever le doigt, ils nous faisaient recopier 100 fois: “je me tiendrais bien au travail?” Et si chaque matin on avait à enfiler un uniforme et être tous identiques, cheveux en queue de cheval, maquillage interdit, certains jeans permis d’autres non et j’en passe. Ça réduirait sérieusement les commérages sur les tenues et les décolletés pigeonnant!
Quand ils ont trop bossé, les adultes rentrent chez eux, balancent leurs chaussures, se mettent en short et s’affalent devant la télé un verre de bière dans une main et la télécommande dans l’autre. L’enfant pour autant d’heures de travail, rentre à la maison, doit se laver les mains et manger proprement ce qu’on lui sert, n’a pas le temps de se changer puisqu’il doit se remettre au travail et résoudre une page de problèmes de maths, retenir une poésie arabe qu’il ne comprend pas, s’abreuver de dates historiques qu’il n’aura pas tarder à oublier le trimestre d’après. Sans oublier l’imparfait du subjonctif du verbe “acquérir”, le verbe le plus sadique de la langue française. Et une fois les devoirs faits (sous la supervision souvent hystérique de la maman qui veut absolument que son petit soit premier et qu’il ait terminé son livre d’arabe avant Noël), l’élève doit enchainer avec un cours de ballet, de piano ou de taekwondo, alors que lui aimerait tout comme ses parents s’affaler devant Cartoon Network avec un coca glacé et un bol de pop corn.

Heureusement qu’il y a les grandes vacances, qui sont probablement, la plus belle période dans une vie. Et que Dieu merci, un jour on passe à l’âge adulte et qu’on peut enfin faire ce qu’on ne pouvait pas faire quand on était enfant.



samedi 21 septembre 2013

UNE CLAQUE MAGISTRALE

Une scène du film de Philippe.



J’ai la chance inouïe de compter parmi mes amis des rêveurs, des artistes, des idéalistes qui bougent,  qui créent, qui croient encore et fermement qu’avec l’art et la culture ont peut encore changer les choses, aller de l’avant. Et combien nous avons besoin d’eux…

L’un d’eux est un ami d’enfance. Philippe Aractingi. Réalisateur de cinéma, donc de rêves. Nous nous sommes connus en 1975. Au tout début de la guerre, au cours d’une colonie de vacances,  très loin dans la montagne, bien loin des tourments de la ville et des tambours de la guerre qui n’en finira pas. Nous avions, 10 – 12 ans ?  L’amitié est restée. Bâtie sur les souvenirs heureux.

Philippe m’a fait l’infime honneur de m’inviter à une projection très privée de sa dernière œuvre « Héritage ». Nous étions à peine 20. Ceux qui l’ont aidé à réaliser son rêve et quelques amis.  « Héritage » est, comme le décrit Philippe, « un roman autobiographique en images ». « Héritage » est comme je le décrirais, une œuvre cinématographique qui devrait être projetée dans chaque école, dans chaque classe, dans chaque maison. Un chef d’œuvre d’amour, d’authenticité. Une leçon d’histoire nécessaire.

Philippe a eu le courage de dire tout haut ce que nous tous ressentons et pensons tout bas.

Une claque magistrale. Un réveil brutal et en même temps très tendre. Pas d’acteurs mais la famille de Philippe de 1913 jusqu’à nos jours. Et en toile de fond, la guerre. La guerre. La guerre. Toutes les guerres qui ont forgées notre mémoire, notre peuple. Toutes les guerres, que notre mémoire refuse d’affronter, de digérer, de disséquer pour ne plus recommencer. Tout ce travail de mémoire que nous avons refusé de faire, préférant effacer rapidement tous les stigmates de la guerre, reconstruisant à une allure folle des immeubles qui éliminent tous nos repères, nous noyant dans l’alcool et des fêtes extravagantes pour nous donner une illusion de vie, une vie en sursis, une, à peine, survie.

En regardant ce documentaire, je me suis tellement rendue compte que notre génération, celle qui n’a connue que la guerre, a, comme l’a fait Philippe, un devoir urgent de parler à nos enfants de ces guerres. De ne plus l’occulter. D’exiger que l’histoire du Liban dans les écoles ne s’arrête pas en 1942. Si l’état refuse de créer des manuels scolaires incluant les guerres de 1958 à nos jours, (les jeunes ne connaissent même pas l’existence de la guerre des 3 mois de 1958 qui s’était terminée par le débarquement de la Navy américaine… oui déjà) nous avons d’autres moyens de raconter notre Histoire. Rien qu’avec le net.

Mes souvenirs de guerre me font encore mal. J’essaie depuis toujours de les enfouir au lieu de les affronter. En deux jours, j’ai eu droit au film de Philippe et à l’expo «  Génération War » au Biel, organisée par mon amie Katya Traboulsi, mettant en avant des photos d’autres amis d’enfance, Roger Moukarzel, Jacques Dabbaghian, Patrick Baz. D’autres rêveurs qui au lieu de porter les armes ont porté leurs appareils photos. Et, grâce à Tamyras, les ont réunis dans un livre. J’avais un nœud au ventre en regardant leurs photos. Photos poignantes.

Depuis rien n’a changé.
Mais nous les artistes de notre génération, les idéalistes dont on se moque, avons le devoir de ne pas abandonner et de continuer à vouloir changer les choses.


********
*Philippe Aractingi est un réalisateur franco-libanais né en 1964. Autodidacte, il photographie très jeune le quotidien de la guerre civile au Liban et réalise son premier documentaire à l’âge de 21 ans. A une époque trouble, il se lance avec intuition dans un métier presque inexistant dans son pays.
En 1989, il quitte le Liban pour la France. Il s’ouvre au monde et réalise jusqu’en 2001 une vingtaine de films.
En 2001, Philippe Aractingi s’installe à nouveau au Liban. Avec « Bosta » (2005), son premier long-métrage de fiction, il propose un regard innovant sur le Liban en réalisant un film musical, une première pour le Liban d’après-guerre. Avec ses 140 000 entrées au Liban, chiffre record en 25 ans, ce road movie à la fois ludique et réaliste réconcilie les libanais avec leur cinéma et ouvre la porte à une nouvelle génération de films.
Lorsqu’en 2006, une autre guerre éclate au Liban, Philippe Aractingi, habitué à filmer dans l’urgence, décide de tourner son deuxième long-métrage. Filmé deux jours après la fin de la guerre, « Sous les Bombes» (2008) place deux comédiens professionnels au cœur du drame, dans le Sud du Liban, face aux vrais acteurs (civils, militaires, secouristes, etc.), qui incarnent leur propre rôle. Cette fiction à décor réel, qui mêle scènes improvisées et écrites, a été distribuée dans une vingtaine de pays1. « Sous les bombes » a été sélectionné aux festivals de Venise, Sundance et Dubaï et a remporté à ce jour 23 prix.
« Bosta » et « Sous les Bombes » ont tous les deux représenté le Liban aux Oscars.
Pour son troisième film, Philippe Aractingi prend le pari d’une nouvelle écriture, autobiographique. « Héritages, Mirath » (2013) raconte les exils de sa propre famille, sur quatre générations et cent ans d’histoire.
Dans un pays où les études de cinéma n’existaient pas, Philippe Aractingi s’est inventé et construit réalisateur. Film après film, il est sans cesse à la recherche de la nouvelle forme cinématographique, entre fiction au réel, qui pourra représenter cette région du Moyen-Orient où le chaos se mélange à l’ordre et le drame à la joie. (from Wikipedia)

samedi 14 septembre 2013

MADAME JACQUELINE.


Photo Josyane Boulos.


Il y a quelques jours, je remarque sur mon téléphone portable un appel en absence d’un numéro inconnu, un ligne fixe, 04 XXXXX. Etant en plein dans l’organisation d’un évènement, je rappelle pensant que ca pourrait être important… La presse ? Un fournisseur ? Non… loin de là.

-       Bonjour Josyane Boulos à l’appareil.

Silence. Puis :

-       Oui ?
-       Vous m’avez appelé.
-       Ah oui ! comment ça va Josyane ? C’est Madame Jacqueline.

J’adore. J’adore les femmes qui usent du « madame » pour se présenter alors qu’elles n’utilisent que votre prénom. Un « madame » comme pour (s’) assurer, prouver, vous convaincre qu’elles ont finalement une place dans la société parce que d' illustres inconnus leur ont passé la bague au doigt… Parce que bien sûr, une « Mademoiselle » ça ne peut pas être très sérieux… quand même !

-       Oui Madame Jacqueline (en appuyant bien sur le Maddddââme, rien que pour imaginer ses plumes de paons s’ouvrir…) 
-       Dis-moi Josyane habibté, tu « utilises » des hôtesses au cours de tes events n’est-ce pas ?
Je décide de faire l’idiote.
-       Les  « utiliser » ? comment c’est à dire ?
Silence.
-       C’est – à dire, tu sais…
-       C’est à dire que j’ai l’habitude de collaborer avec elles pas de les « utiliser».
-       Oui. Tu collabores avec alors.
-       Oui. Je travaille avec une compagnie très réputée pour son professionnalisme.
-       Parce que moi maintenant j’ai des filles.
-       Aha. (j’ai une envie folle de lui demander « du même père ? », mais je me retiens. Difficilement.)
-       Elles sont très bien, très jolies. Elles te plairont. 
A écouter Madame Jacqueline, j’imagine très bien les filles…
-       Elles sont grandes, belles, blondes et elles font tout. Elles te plairont, je te promets.
-       Elles font tout ?
-       Oui, elles sont très braves.
-       Aha… Vous pouvez m’envoyer un mail avec toutes les informations ?
-       C’est que je n’utilise pas de mail. Je préfère travailler face à face. C’est mieux.
Oui… et ça laisse moins de traces…
-       Hmm… C’est votre numéro ?
-       Oui mais c’est celui de la maison. Je vais t ‘envoyer un SMS de mon cellulaire.
-       Ok Merci au-revoir Madame… (je ne me rappelais déjà plus son nom…)
-       Au revoir Josyane. Je t’assure elles sont très bien les filles…
-       Avec une madame comme vous, je vous crois sur parole. Au revoir.
-        
Deux minutes après je reçois un SMS, dont voici la transcription fidèle (traduction plus bas)
« Hi 70XXXXXX (le même numéro dont elle a envoyé le SMS…) nchallah 2ariban ma3mil cheghel helou sawa. Jacqueline XX. Thx Hbb by. » *
Plus professionnel que ça tu meurs.
Pour le moment drôle que tu m’as fait passer,  Madame Jacqueline, tu es aussi bonne que tes filles ;)


« Inchallah bientôt on fera un beau travail ensemble. Merci Ma chérie, Bye »