vendredi 3 octobre 2014

BICHA... MON BEYROUTH ( Un hommage à ma mère)

Ce texte n'est pas écrit par moi, mais par un ami très cher, que certains reconnaitront. J'ai pris sa permission de le publier sur mon blog, un magnifique hommage à ma mère, que je voudrais partager avec vous.





A mes amis libanais.

Ce matin, Beyrouth s'est arrêté.
Il n'y a pas eu moins de bruits de klaxons, ni moins de trafic ou de vendeurs à chaque feu rouge.
Il n'y a pas eu plus de violence ni plus d'espoir dans les rues de Chiyah.
On n'y a pas planté un arbre ni stoppé la moindre seconde les travaux de SAMA Beyrouth.
Le courant s'est coupé à la même heure et l'eau n'a pas jailli plus qu'un autre jour.
Le Liban s'est réveillé aussi fragile que la veille mais toujours debout.
Et pourtant, Beyrouth s'est arrêté.
Pas Beyrouth le vôtre, juste le mien.

Il s'est évaporé en lisant mon téléphone sur la ligne du métropolitain, dans la chaleur accablante d'une foule qui traverse Paris pour aller travailler.
Je me suis assis, remis mes lunettes pour cacher mes yeux embués et laissé ma place.
En quittant mon siège j'ai capitulé face à l'évidence qu'en nous enlevant Bicha, mon Beyrouth s'arrêtait aussi.
D'autres souvenirs joyeux, artistiques, humains resteront mais ce Liban là, il n'existera plus.

Je ne suis pas Libanais, ni de la famille, je n'ai quasiment pas connu Jean-Claude ni l'âge d'or.
Je n'ai pas connu la guerre, ni même l'entre deux guerres.
Mes séjours s'apparentent à des vacances prolongées dans l'espoir d'amuser, un peu mes "tantes" chéries d'Ashrafieh.
Cependant durant quelques mois, j'ai été l'heureux invité de Blanche, le témoin d'une femme forte, intelligente et irrésistiblement drôle.
Elle m'a raconté son Liban, sa jeunesse, ses enfants et bien sûr Jean-Claude.
C'était la tradition du café quotidien qui donnait le ton de ma journée.
Elle le faisait malgré l'usure et l'absence avec la même générosité et humour.
Selon les jours, j'avais droit à une anecdote ou
à une remontrance parce j'avais laissé les phares de ma voiture allumés toute la nuit.
Beyrouth, c'était les histoires de Bicha.
J'ai dégusté ces moments-là et me suis construit un Liban singulier qu'on ne me rendra pas.
Mon Beyrouth, c'est celui-là. Celui que m'ont fait découvrir Josyane et Bicha.

Alors ce matin, pour calmer cette peine, je me suis rappelé les deuils, les amis disparus, repensé à ceux qui restaient mais rien n'y a fait, moi l'invité de Hazmieh, j'étais inconsolable.

Et j'ai pensé à Josyane, Myrna et Nagy, à leurs enfants pour qui Beyrouth n'est pas un voyage et mesure donc l'ampleur de ce vide que Blanche va laisser avec ses souvenirs.

Je me les rappelle aujourd'hui.

Voici. Par ses quelques mots j'ai voulu témoigner de ma tristesse d'invité, de visiteur et d'ami pour cette belle famille qui a été, est et restera mon Liban.

Ce matin donc, mon Beyrouth s'est arrêté car Bicha a décidé de retrouver Jean-Claude.
Jean-Claude, il est bien le seul à avoir le sourire aujourd'hui.

L'invité
03 octobre 2014