jeudi 5 août 2021

LE LIBANAIS TYPIQUE


On pourrait penser qu’être typiquement libanais, c’est savoir préparer la tabboulé avec le persil plat, conduire comme un taré, dire Yalla à tout bout de champ ou se disputer qui va payer l’addition au resto (réservé ces jours-ci à ceux qui ont le « fresh »). Ce n’est pas du tout ça! Être typiquement libanais c’est :

  • Recevoir une video/ ou un article d’un journal étranger parlant du Liban et l’envoyer immédiatement à tous ses contacts Whatsapp qui l’enverront à tous leurs contacts. Tu le recevras donc 15 fois. Nous sommes, il ne faut pas l’oublier, le nombril du monde.
  • avoir plusieurs UPS à la maison: un pour l’ordi, un pour la Wifi et un pour la PlayStation/Box des gosses (pour les étrangers go Google UPS)
  • Hurler « disjoncteeeeur » 10 fois par jour. Minimum. D’ailleurs, vous ne le saviez pas mais le mot « disjoncteur (et sa version libanaise « dizjonctaire » est le mot français le plus utilisé chez les libanais)
  • S’abonner à un générateur de quartier pour s’alimenter en électricité.
  • Payer une fortune ce même Générateur qui n’alimente qu’un tiers de la maison, d’où le « dizjonctaiiiiire »...
  • Avoir un répertoire d’insultes très varié qui s’adresse aussi bien aux propriétaires des générateurs et leurs employés qu’a toutes les instances de l’état. « Ikht El generateur 3a ikht yalle 3emlo 3a im El balad » remplace lentement mais sûrement le « Hi, Kifak, ça va? »
  • Avoir un stabilisateur pour ton frigo, parce que « l’électricité du moteur joue... » (sens du mot stabilisateur sur Google pour les habitants du reste du monde, enfin presque le reste du monde... )
  • Défendre un « zaim » qui te suce le sang, possède le générateur via un sbire mais que tu applaudis quand même en hurlant « dizjonctaire.» Tu l’applaudis par réflexe probablement. De peur qu’il ne te coupe le courant peut-être?
  • Être Libanais c’est te hérisser quand tu as lu la phrase du haut, parce que tu es encore un « zaimien » mais le tien c’est le bon, faut pas mélanger les serviettes et les torchons, et que je ne sais par quelle baguette magique, tu as oublié toutes les horreurs qu’il a fait pendant la guerre (je parie que maintenant tu penses au zaim de l’autre, et que tu abandonnes la lecture de ce texte parce que tu n’arrives pas à avoir du recul sur la situation)
  • Aller aux manifs et le lendemain aller à la plage. Tu mettras sur les réseaux les photos de la manif mais pas de la plage. Faut pas exagérer quand même !
  • Jongler avec le Lollar, le Dollar, la Livre et en passant l’Euro, accepter de jongler. Pire s’adapter au jonglage. Se sentir le roi du monde parce que ton fils/fille/ sœur/ frère t’envoies 100$ en « fresh.» Nous sommes les nouveaux mendiants chics.
  • Apprendre à ses enfants dès leur plus jeune âge que quand ils seront grands, ils vont aller vivre ailleurs en sécurité. Parce que ici rien n’est stable, tout peut flamber n’importe quand. Et puis ils enverront du « fresh »
  • Inventer le mot « fresh »
  • C’est y croire encore. Se battre encore pour sauver les restes. Pourquoi? Je ne sais pas. Mais ce n’est sûrement pas pour l’odeur de la manouché, du jasmin et le goût des amandes vertes. Peut-être parce que abandonner est une forme de défaite.
  • C’est faire partie d’une petite communauté de 4 millions de personnes sur un petit territoire de 10452 km2 et être plus désunis et intolérants que la Terre entière.
  • Et surtout être typiquement libanais c’est vivre dans la merde et appeler ça « résilience. »

Josyane Boulos