“Le
soleil donne la même couleur aux gens” dit Laurent Voulzy dans sa chanson. Oui,
surtout en Août et au bord d’une piscine où la compétition pour le plus beau
bronzage est continuellement en cours. C’est à celle - et celui les hommes sont
autant concernés que les femmes - qui
aura la couleur la plus uniforme, à grand renfort de crème, d’huile et de gels,
quand on n’a pas sa propre recette miracle qui nous vient d’une lointaine
tante, cousine ou grand-mère. D’ailleurs dès les premiers rayons de soleil du
printemps, on se jette sur la terrasse de l’immeuble pour être la première bronzée:
il est quand même inconvenant de parader toute blanche en maillot!
Puisque
pendant tout l’été le soleil est au rendez vous, les réflexions sur la couleur
remplacent rapidement celles classiques sur le temps. Comme le “Chou, bien
bronzée…” qu’on lance envieuse le lundi matin à la collègue du bureau qui a
passé son dimanche à la plage, alors que vous avez passé le votre chez vos
beaux-parents, ou le “Yayy comme tu es encore blanche” qui vous claque au
visage parce que, submergée de travail vous n’avez pas encore eu le temps de
batifoler dans l’eau super-chlorée de la piscine. Avez-vous remarqué d’ailleurs
que nous avons tendance à dire: je vais à “la plage” ou à “la mer” même quand
on se contente de la surface bétonnée du bord de la piscine?
Avant
d’arriver à la piscine, il faut d’abord avoir acheter un maillot. Et tout le
monde sait qu’il n’y a rien de plus horriiiiiible que d’essayer un nouveau
maillot sur une peau encore laiteuse. Mais il faut prendre son courage à deux
mains, parce qu’il n’est pas question d’être vue au Sporting, au Saint Georges,
à Rimal ou au Miramar avec le même
bikini que l’an dernier. Celui de l’an dernier on le laisse pour Tyr ou Enfeh,
en “province”, parce qu’il y a le sable et puis c’est décontracté là-bas.
En
enfilant le maillot, vous découvrez avec horreur que ces 2-3 kilos pris en
hiver sont flagrants. C’est la déprime immédiate. Et vous commencez un régime
le jour même. Le plus draconien possible et vous mettez un point d’honneur à en
parler à tout le monde et à partager LE régime du siècle même avec les anorexiques.
Il y a même des jeunes femmes qui vont chez le médecin pour perdre juste un
kilo. Ce n’est pas les médecins qui vont se plaindre! Bien au contraire!
Le
maillot enfin choisi et payé une fortune, les kilos en voie de disparition, il
reste encore à trouver les sandales qui vont avec. C’est à elles qu’on
reconnait votre style: des tongs et vous êtes une personne “sport”, l’épaisseur
des talons compensés définit si vous êtes très mode ou très petite, vous êtes
sophistiquée si vous optez pour des talons aiguilles et carrément paysanne si
vous avez des sabots en bois.
Vous
y êtes enfin! Vous arrivez à la piscine
en priant qu’aucune des personnes présentes n’ait choisi le même bikini que
vous. Evidemment, comme d’habitude, les meilleures places sont prises par ceux
qui arrivent à l’aube “pour réserver” ou parce que dès le début de la saison,
ils ont généreusement graissé la patte du garçon de plage qui depuis, au
moindre regard accourt pour leur déplacer le parasol, ajouter une chaise
longue, servir un jus de carotte au prix de 3 kg de carottes (la béta-carotène
aide au bronzage, il ne faut pas l’oublier !) , leur dénicher une table
basse alors que vous ça fait une heure que vous en réclamer une, et même leur
amener le cellulaire jusque dans l’eau. Parce qu’évidemment au bord d’une
piscine, le portable est aussi important sinon plus que la casquette et la
crème. Surtout qu’en plein été, saison de tous les diners, on peut facilement
se faire entendre par tous et raconter avec force détails le diner du ministre
X, du député Y ou de Madame W, ou ceux du Festival International du Village
dont personne n’a entendu parler.
JOSYANE BOULOS
Extrait de Cartons Rouges