Oui je sais nous vivons dans une ambiance marasmo-nauséabonde ingérable. Mais on peut faire le choix de se concentrer sur le rouge des robes au parlement ou sur le rouge des cerises de Hammana. Tout est question de choix. Pourquoi Hammana ? Parce que j’y étais ce matin.
Je fais un métier extraordinaire qui m’occasionne des rencontres inoubliables. Ce matin, j’étais invitée par le Goethe Institute à donner un workshop sur la production à des jeunes qui m’ont épatée par leurs idées, leur créativité et leur passion pour l’art et la culture. Ils sont 8 et pas un seul n’a parlé de « partir ». Et rien que ça, fait du bien. J’avais la possibilité de conduire ma propre voiture ou de prendre un taxi. Les deux étant payés par les organisateurs, j’ai évidemment pris l’option taxi, pour une fois que je pouvais me faire accompagner je n’allais pas faire la fine bouche. Je vais souvent à Hammana, où j’avais organisé pour 3 ans le Festival de l’humour. Le taxi a eu la bonne idée de passer par l’intérieur et non par l’autoroute. Comme il a bien fait ! Parce que sur tout le chemin vers Hammana Artist House, j’ai croisé de petits bonheurs qui rendent notre pays unique.
Le premier apparait au croisement pour prendre la route à travers les villages. Un taxi rencontre le mien et le « Sabahooooo » joyeux de l’un est accueilli par le « Ahla Habibiiiii » de l’autre. Comment ne pas sourire et se dire que ce n’est pas dans le métro que ça peut arriver. Et puis mon regard est attiré par des trainées de neige qui résistent (elles aussi) sur les hauteurs de Sannine… Il y’a 15 minutes j’étais encore en ville. A la sortie d’un virage, des jeunes de la Croix-Rouge, souriants et enthousiastes installent leur « barrage » en se lançant des vannes. Leur bonne humeur est contagieuse et l’épicière du coin leur lance « Badkon may teslamoulé aw 3assir ? Ma teste7o metel emkon ana ». Un peu plus loin, une rangée de boutiques « Nouveautés », « Saj » et un saugrenu « Pet Shop » qui reflète le désir d’un. e jeune de rester dans son village. Les géraniums fleurissent à profusion, balcons et terrasses et 2 petits vieux remplis d’histoires jouent au tric trac à l’ombre d’un chêne, assis sur des chaises bringuebalantes, venues d’une autre époque. Un homme cueille les cerises de son jardin et me donne envie de descendre l’aider. Et tout le chemin vers ma destination s’est fait les vitres ouvertes pour m’enivrer de cette odeur si particulière des genêts du printemps. Ces petits bonheurs là m’aident à supporter tout le reste.
JOSYANE BOULOS