lundi 16 novembre 2015

DISCRIMINATION QUAND TU NOUS TIENS.



Après les horribles attentats de Beyrouth et de Paris, la toile s’enflamment. Les libanais s’indignent que Facebook les ignore et d’autres libanais s’indignent de ces mêmes libanais qui s’indignent.

Si je peux comprendre qu’un australien, un british, ou un suisse se reconnait plus dans un parisien que dans un libanais, moi-aussi je suis indignée. Parce que depuis “ je suis Charlie”,  (relire mon article dans mon blog) et même bien avant, au cours de mes voyages, je ressens de plus en plus la discrimination, le racisme et l’intolérance des peuples dit “civilisés” envers nous. Déjà avec la demande de visa où on s’infiltre dans notre intimité pour nous permettre de traverser une frontière… On se sent coupable avant même de penser commettre un crime. Et pourtant… Des terroristes reconnus avoir commis les horreurs de Paris, l’un est né en Belgique, l’autre est français (les autres je ne sais pas.)

Et je ne suis pas musulmane. Juste libanaise. Eduquée, cultivée, francophone, anglophone, active, créative, voyageuse, tolérante, naïve, drôle, stupide parfois, basique. Juste humaine. Tout comme les 200000 + libanais toutes confessions confondues morts pour que d’autres s’enrichissent. 
Tout comme mes amis Khodr, Ali, Hassan, Rashad, Mohammad, Layla, Nada, Alya, Aisha, Mehdi, Walid, Moustapha… Qui s’inquiètent a chaque fois qu’ils doivent prendre l’avion et passer la douane alors que des cuites mémorables sont leur plus grand délit. On ne le répètera jamais assez : Etre musulman n’est pas synonyme de terroriste. Etre du Moyen-Orient non plus.

Je reprends  cette phrase de mon article « Je veux bien être Charlie, mais … » « Nous sommes devenus tellement « Collateral damage » que tout le monde s’en fiche de nos bombes et voitures piégées. Les médias de la planète nous ont tellement affichés et décrit comme la peste bubonique que nous sommes nous-mêmes convaincus que nous sommes des humains de second ordre. »

Alors oui indignons-nous parce que Facebook n’a pas crée une page d’urgence, oui indignons-nous parce que le monde n’a pas illuminé ses sites historiques. Parce que le silence engendre le silence. Et ce n’est qu’en réclamant inlassablement nos droits qu’on les obtient.


Inlassablement.

samedi 24 octobre 2015

CANDY CRUSH

photo from the internet


J’ai eu la faiblesse il y’a quelques jours d’installer l’application de jeux “Candy Crush” (ne vous inquiétez pas je n’enverrais aucun request…). J’ai commencé à jouer, surtout le soir avant de dormir, parce que rien ne vide plus la tête qu’un jeu débile après une longue journée de travail et de stress.

Et puis ce matin, j’ai remarqué combien philosophique était ce jeu. Vraiment.

Rien ne ressemble plus à la vie qu’un jeu de Candy Crush.  Ne riez pas (enfin si vous pouvez d’abord, puis ensuite me prendre au sérieux.) 

D’abord, on nous présente la vie enfin le jeu, comme un bonbon. C’est coloré, c’est sucré, ça a l’air tout bon, tout délicieux. Nous sommes tout content : ça a l’air super simple, super cool.  Nous fonçons. Nous allons essayer.  C’est comme quand on entame la vie, un boulot, un mariage, une relation. Excitant ! La règle du jeu est très simple : il suffit d’aligner 3 bonbons (ou plus) identiques. C’est tout ? Pas sorcier… Mais le problème c’est qu’à chaque fois que tu réussis à aligner tes trois bonbons, plouf ils volent en éclat !

« C’est pô juste ! j’veux mes bonbons » aurait dit Titeuf. 
« Mais si c’est juste » qu’on te réponds,
« C’est la vie » qu’on te rassure,
« Il faut tomber pour apprendre à se relever » qu’on te raisonne,
« Tu en sortiras plus fort » qu’on philosophe
« Tu seras un homme mon fils » qu’on poétise. 
« Je veux juste mes bonbons » que tu dis.
 « Continue ! Tu en auras un plus gros» qu’on t'affirme.

Alors vaillamment tu continues. C’est attirant un plus gros bonbon, un meilleur salaire, une plus grande maison, un grand mariage, une plus jolie fille, un plus beau mec… Tu te dis « Ils ont raison ! Pourquoi se contenter de peu quand on peut avoir plus » Alors tu continues à aligner tes bonbons de toutes les couleurs et de toutes les saveurs. Jusqu’à arriver au gros bonbon. Et là tu jouis, t’es heureux, t’es au septième ciel ! LE GROS BONBON enfin tu l’as ! Enfin tu vas pouvoir le savourer. Enfin tu vas être heureux. Et là dilemme. Si tu échanges ton gros bonbon avec un autre pour gagner encore plus, ton gros bonbon il va disparaître. Et si tu le gardes… tu risques de perdre aussi… Hein, pas facile la décision. Tu veux prendre ton temps, mais la tout commence à clignoter… c’est que le temps lui, il n’attends pas !
Tu paniques et tu échanges ton Gros Bonbon. Et un feu d’artifice de bonbons qui éclatent te récompense. C’est beau, c’est coloré, c’est fascinant, avec la musique et tout les effets sonores ! Waw t’es un grand gagnant pour sur ! Ca y est, tu as réussi!
Eh non.
Désolée de te décevoir.
L’écran t’annonce « no more moves »
« You have failed »
« Give up » on te conseille.
« Buy lives » on te sussure.
Acheter une vie ? On peut ? On peut vraiment acheter une vie ?
Waw c’est tentant ca… Alors même en ayant peu on tente l’achat.
Et les bonbons se réalignent, et tu recommences.
Tu bâtis, ça casse, tu recommences.  Tu bâtis, ça casse, tu recommences.  Inlassablement.
Pour essayer de reprendre ce que tu avais déjà. Mais que tu ne voyais pas: 


Une vie.

Josyane Boulos

vendredi 31 juillet 2015

TU RECYCLES OU QUOI?

Sama Beirut et la crise des ordures - Sodeco Photo Josyane Boulos

J’avoue n’avoir rien fait pour sauver Beyrouth des immondices. A part appeler l’organisation Arc en Ciel pour récupérer quelques trucs récupérables de mon bureau, je n’ai rien fait. J’ai regardé s’amonceler les sacs bleus, les sacs noirs, les cartons, et les indéfinis en me rappelant qu’au cours des 15 années de guerre si vile, nous étions souvent descendus « entre voisins » balayer la rue à Sodeco, cette même rue qui voit aujourd’hui se construire un monstre en fer et en béton de 52 étages qui à lui seul produira suffisamment de déchets pour couvrir deux dépotoirs en deux temps, trois mouvements. C’est que je n’ai plus vraiment envie de faire le Don Quichotte. J’y ai cru un certain 14 mars… ce pouvoir de changer les choses. Mais depuis… Mazette, qu’est ce qu’on a été eu !

Mais puisqu’il le faut, et que le recyclage est à la mode, je vais recycler. Mais pas n’importe quoi. Recycler ce qui est unique à moi.

Par exemple au lieu de jeter à la poubelle mes histoires d’amour, je vais les recycler en roman-photo, sirupeux, très « Nous Deux » et pourquoi pas « Nous Trois » bien plus adéquat à nos vécus. De toutes façons, c’est quand le 3 pointe son nez, que le 2 disparaît.  Ou bien je les recycle en Danielle Steel, tellement tarabiscotées ses histoires, qu’elle a surement du sang libanais. Déjà qu’elle s’appelle Steel, dur comme fer, qu’on peut aussi transformer en « Steal » voler… Mais non, le Libanais n’est pas corrompu ! Il recycle… l’argent du contribuable en fortune personnelle.

Au lieu de sur-remplir les bennes avec mes amants d’une nuit, je vais les recycler en Lebanese Gigolos. Et créer une application que j’appellerais Benne-Der, où tout le monde sera SoClean.

Je vais recycler mon énergie en travail productif. Enfin productif, entendons-nous… Je suis dans LA culture. C’est tout dire non ? Vaudrait mieux garder la première syllabe et jeter la deuxième à la poubelle… euh pardon… recycler la deuxième en … en quoi diantre pourrais- je recycler « ture » ???

Je vais recycler ma colère dans les salles de gym. Taper dans un punching bag pendant des heures, m’imaginant que ce sont des poignardeurs, des écraseurs, des violeurs, des meurtriers, bref tous ceux que je veux éviter, et éviter de devenir tellement ma colère prend de l’ampleur.

Je vais recycler ma jeunesse qui fout le camp en voyages puisque les voyages forment la jeunesse. Faudra donc recycler mon passeport en passeport étranger, européen de préférence, pour éviter de recycler mon temps libre en file indienne devant les ambassades.

Et recycler mon empathie, sympathie, antipathie, c’est selon les heures, selon combien de klaxonneurs dégénérés (Aka chauffeurs de taxis) j’ai rencontrés en route, de blondasses en 4*4, de monticules de poubelles, de flics qui se grattent les coucounettes, de gentilles et rares personnes qui me laissent passer, selon si la température frôle les 40 ou pas, s’il y du courant ou de l’eau, bref tout ça pour dire que je vais recycler mon empathie, sympathie, antipathie, en attitude politicarde libanaise primaire qui dit…

… Après moi le déluge, qu’il soit de feu, d’eau ou d’ordures.

Josyane BOULOS 




samedi 4 juillet 2015

LA VIE EST UN LONG COMBAT TRANQUILLE



Tous les jours on nous demande de nous battre.

Que ce soit dans les journaux, à la télé, à la radio, sur Facebook, sur Twitter, dans les blogs, dans les salons, chez le coiffeur… tellement partout que même dans nos rêves nous nous sentons coupables si on ne se bat pas. Alors que dans nos rêves tout ce qu’on veut, c’est quitter son boulot, prendre un billet pour une île lointaine, trouver l’homme/femme qui ne nous fera pas chier et ne jamais revenir. Et si tu révèles ton rêve à quelqu’un on te dit : “ toi la battante?  Mais non! Tu as un tas de défis à relever ! Tu t’ennuierais.»

Et si, justement, on a envie de s’ennuyer ? Non ! Tu n’as pas le droit ! Il faut te battre. Il faut brandir haut les fanions et t’engager dans la lutte.

Lutter pour les droits de la femme, lutter pour celui des gays, lutter contre la torture, descendre dans la rue pour avoir un président (pourquoi ? pour qu’on te phagocyte ta lutte ?), afficher des arcs-en-ciel pour prouver que nous ne sommes pas homophobes, se défendre parce que nous ne le sommes pas (« Quoi tu es pour le mariage gay ? » «  Oui et je t’emmerdes »), militer pour le droit des migrants, militer pour la nationalité des enfants issus d’un mariage mixte (mère libanaise, père non-libanais), défendre le droit de nos amis les bêtes et s’excuser pour avoir tué un moustique de sang-froid, se lever le matin et lutter contre les instincts meurtriers dirigés vers le chantier voisin qui dure depuis 4 ans, prendre la voiture et lutter contre les instincts meurtriers dirigés vers les chauffeurs de taxi et de vans, les gardes du corps, les blondasses qui ternissent la réputation des femmes au volant, lutter pour garder le sourire parce qu’il faut rester positif, lutter pour ignorer la poussée violente du béton, lutter contre ton envie de manger des glaces et du chocolat toute la journée pour éviter les « Yiii tu as grossi ! », en manger quand même et lutter contre ton sentiment de culpabilité, lutter contre l’envie folle de dégrafer ton soutien-gorge en plein rendez-vous parce que merde pourquoi on a inventé ce truc-là (seules les femmes comprendront), en acheter un neuf quand même parce que ça excite ton mec de le dégrafer et lutter contre les pensées genre : dégrafe-t-il celui d’une autre ?, lutter contre la jalousie parce qu’il est quand même fichtrement beau ton mec,  lutter contre ton envie de ne rien foutre mais dépenser quand même ton argent, que tu as un mal fou à faire, pour  en bonne citoyenne lutteuse, faire rouler l’économie, lutter contre ton envie de juste dormir, dormir, dormir pour aller voir the Voice (à part Hiba Tawaji, tu ne sais même pas qui est à l’affiche), John Legend (à part cette chanson là, euh…tu ne sais même pas la fredonner… tu te demandes pourquoi il est une Legend ?), payer une fortune pour aller voir une autre légende d’origine arménienne (tu as invité tes parents) parce que précisément tu te bats pour la reconnaissance du génocide arménien, bref aller partout pour prouver que tu te bats contre la montée de l’extrémisme Daechien (on devrait dire Daechiotte…)  et prouver au monde entier (qui s’en fiche comme de l’an 40) que le libanais est un peuple incroyablement résistant, qui précisément se bat contre vents et marées.

Et puis quand après avoir passer ta journée en mode combat, on te dit « tu as l’air fatiguée, pourquoi ? » résister à l’envie de tabasser la personne qui pose cette question.

Elle est où cette île ?

Josyane BOULOS