Photo J.Boulos |
Un texte écrit à mon retour de vacances il y a quelques années.
Il y a plus
de mille raisons pour prendre des vacances. Et ces mille raisons j’ai eu amplement
le temps de les ressasser, coincée dans les embouteillages interminables de la
ville. Embouteillages qui sont d'ailleurs en tête de la liste des mobiles qui me
donnent envie de fuir, et elle est longue cette liste! Camions, élections,
pollution, corruption, inflation, démotivation, réceptions, rien que des rimes
en “on” qui me font rêver d'avions et d'évasion. Si après 2 heures de
stagnation sous un soleil de plomb, les policiers avec leurs grands gestes
désordonnés prennent à mes yeux des allures de danseurs de tamouré, c'est que
décidément rien ne va plus et qu'il est plus que temps de faire mes valises.
A la
première occasion, j’appelle une agence de voyage. La réponse est classique: "Tous les avions sont pleins,
appelez demain, je vous débrouillerais sûrement quelque chose". A croire
que tous les libanais ont en même temps décidé d'aller passer quinze jours à
Knokke Le Zoote. Mais je devine bien que c'est juste un coup de marketing est
censée me fidéliser à vie à cette agence qui a des “contacts” partout. Le
lendemain, je retéléphone pour qu'on me dise “je suis désolé, l'ordinateur ne
répond plus”. C'est fou ce que ces machines se détraquent à l'arrivée des
vacances. A croire qu'on fait exprès de me faire languir pour que je mérite
vraiment ces quinze jours de congés! Au bout d'une semaine de “on peut vous
mettre en liste d'attente” et de “il y a bien deux places dans l'avion mais pas
à l'hôtel", je change complètement de destination ... et de budget! Mais j’ai
tellement souffert pour enfin trouver une solution et une porte de secours que je
dis oui à tout.
Evidemment,
à la veille du départ tout semble aller de travers. Malgré ma réputation d'as
de l'organisation, je suis prise de court quand j’apprends par pur hasard « qu’il
faut un vaccin pour aller dans cette île », « que les aiguilleurs du
ciel parisiens (je transite par CDG-Paris…) agitent leur feuilles de paie” et « que
depuis cinquante ans il n'a jamais autant plu que ces 2 derniers jours sur les
cocotiers de votre destination. » Le jour du
départ, toutes ces nouvelles pessimistes ne m’empêche pas d'empoigner d'une
main celle de mon compagnon et de l'autre ma valise, jamais assez grande et
toujours trop lourde, sans oublier la médaille de Sainte Rita dans ma poche
juste au cas où ... et de nous faire conduire à l'aéroport.
Le vol est à
temps et nous nous envolons, un grand sourire aux lèvres, vers notre club de
vacances à l'autre bout du monde. Heureusement dans l'avion, mon voisin sent
bon et ne ronfle pas. Par contre le seul bébé est derrière nous.
En arrivant
au club, tout groggy par les dix heures de vol, nous sommes accueillis par un
superbe G.O ou « Gentil Organisateur » (oui, oui, c’est comme ça
qu’on les appelle au Club) au bronzage parfait et à la musculature schwarzenegienne
qui nous apprend qu'au club nous sommes des « G.M, gentils membres. »
Ce G.O résiste sans problèmes à mes battements de cils effrénés pour faire de
l'oeil à mon compagnon (bronzage parfait, musculature arnoldienne). Ma fierté
féminine prenant un sacré coup, je balance brutalement ma valisette au G.O et
entoure mon G.M. (Grand Mari) d'un bras de propriétaire.
Le village
de nos vacances est implanté dans un domaine de cocotiers et nous sommes immédiatement
charmée. Malheureusement, on a omis à l'agence de nous avertir que « les
bungalows dont l'architecture respectait les traditions de l'endroit »
étaient en fait des cases du style africain ouvertes à tout vent. Nous avons
souvent eu la surprise de voir un petit oiseau de toutes les couleurs entrer
d'un côté pour sortir de l'autre. Même qu'un matin, le G.M (Gaillard Matinal)
de la case d'à côté, en voulant porter ses pantoufles, y a découvert un mulot
endormi. Pauvre mulot qui en guise de femelle ne trouva que des mules!!
Sur la
plage, avec un groupe de G.M (Grands Motivés), nous sommes décidés à essayer
tous les sports nautiques. Le moniteur étant une femme, mon compagnon opte sans
hésiter pour le windsurf. Et je craque immédiatement pour le look californien
de l'instructeur de ski nautique. Rapidement ma couleur bronze dorée, déjà
largement travaillée au Riviera, au Sporting ou au Lazy B, devient la cible des
regards envieux des européens qui virent au rouge grillé. Pour eux, deux jours
de bronzette c'est 2 semaines de « pelette » ! Et dire qu'à Beyrouth,
les copines « bien intentionnées » me cassaient les oreilles à
longueur de journée avec des remarques du genre « vraiment ça ne se voit
pas que tu vas à la plage, tu es blanche comme un poulet. » Ah si
seulement elles pouvaient voir le succès que remporte mon hâle, sous les
tropiques!
Si la plage
est le point de rencontre des Grands Motivés, le restaurant du club est
l'endroit idéal pour rencontrer les autres G.M (Grands Mangeurs). Les repas
sont une occasion unique pour se faire de nouveaux amis. Autour des buffets
pantagruéliques et sous l’effet du vin qui coule à flots, les langues se délient
et les conversations vont bon train. On nous raconte des histoires tellement
bizarres que vous n'arrivez plus à trier le vrai du faux. Sous les cocotiers,
le plombier devient banquier et le financier fermier. D'ailleurs moi aussi j m’amuse
à jouer le jeu et invente des palais à la Békaa, une carrière de chanteuse, un
background politique ou une fortune gagnée à la loterie. A chacun ses rêves et
ses fantasmes. Au cours d'une de ses soirées gastronomiques, notre couple a acquis
une immense popularité en remportant haut la main un concours de Tamouré. Nous
n'avions jamais dansé le tamouré, mais ce soir là, en empruntant quelques
mouvements à Nadia Gammal, nous avons envoûté tous les G.M (Gourmets Modestes) et
les G.O (Gourmets Ordinaires) réunis. Le soleil est chaud, le sable blanc, la
mer bleue et les rimes en “on" loin derrière.Mais au bout
de quinze jours il faut reprendre sa vie habituelle. Nous imaginons déjà les
retrouvailles à Beyrouth et comptabilisons toutes les histoires à raconter. Nous
échangeons les adresses avec les amis d'un été en jurant de garder le
contact... ce qui ne se fait presque jamais.
Avant de quitter le club, mon G.M (Grand Mâle)
attitré n'a pas manqué de dire au revoir à notre G.O (Grand Oublié) d'accueil,
qui entretemps s'était trouvé un G.M (Garçon Manqué) pour s’occuper.
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