vendredi 27 novembre 2020

CA DEBLOQUE!

"Enlève le "bloque", tu me manques!" SOAP

Les Tags au bord des routes m'ont toujours fascinés. Ces messages éphémères qui parfois se détournent vers la poésie, la philosophie, le désespoir... qui touchent, qui font sourire! En conduisant, je me suis souvent inventée des histoires derrière ces phrases. Je vais les partager avec vous, aussi souvent que possible, au gré de mes rencontres. Des comédies courtes, des dialogues qui j'espère vous feront rire. Ou au moins sourire. 


Dans un bar, Amine et Toufic. 
  • Je n'arrive pas à le croire 
  • Quoi encore? 
  • Elle m'a bloqué!
  • Qui ça ? 
  • La Reine d'Angleterre! Souraya bien sûr! Qui ça...
  • Evidemment qu'elle va te bloquer. C'est la moindre des choses qu'elle te bloque... Estime-toi heureux qu'elle n'ait pas défoncé ta bagnole! 
  • Mais je me suis excusé. Je lui ai même envoyé des fleurs! 
  • Même envoyé des fleurs? MEME? Walla ya Toufic, moi à sa place je t'aurais balancé les fleurs à la tête et tout Exotica avec. Ca faisait combien de temps que tu sortais avec elle déjà? 
  • 2 mois. 
  • Quel crétin... Une femme comme Souraya, on la choit, on la cajole, on la protège et surtout on la garde.
  • Amine!!! Akh elle me manque
  • Tu aurais du tourner ta langue mille fois dans ta bouche avant de sortir tes conneries. 
  • Je sais.
  • A-t-on idée de dire à une femme "Sérieux? Tu vas acheter cette blouse? Tu ne t'es pas vue? On dirait une vache" Wlak minimum qu'elle te bloque. 
  • Je suis un con 
  • Tu es nul. 
  • Elle me manque.
  • Live with it.
  • Je ne peux pas... il faut que je fasse quelque chose. 
  • Je n'aurais jamais du te laisser la prendre. J'aurais dû la garder pour moi. Maintenant elle est out of reach pour ton ton entourage. Crétin. 
  • Je dois trouver quelques chose. Garçon, encore deux Téquila.
  • Double...
Deux jours après, même bar, mêmes amis. 

  • Kifak Bro? 
  • J'ai trouvé un truc pour Souraya, elle va sûrement me revenir après ça.
  • Qu'est-ce que tu as fait? 
  • Regarde.
  • Eclairci l'image, je ne vois rien. 
  • Sorry. C'est mieux? 
  • Oui. C'est quoi ça ? "Fekké el bloque, chta2telik?* SOAP??" Soap? Chou Soap? je ne comprends rien. 
  • J'ai tagué ça devant chez elle. Souraya Obeid Amine Pacha. SOAP. Comme ça elle devinera que c'est moi.
  • Tu es vraiment désespéré! Cette femme ne veut plus de toi. Si tu lui sors "Vache" au bout de juste deux mois, tu lui diras quoi dans 6 mois? Crois-moi ce SOAP, tu devrais te laver la bouche avec. Hmar.
  • Mais j'ai pris beaucoup de risques pour faire ce tag! J'aurais pu me faire prendre! 
  • C'est elle qui va te pendre.  Garçon, deux shots Téquila... Cheers ya Ahbal 
  • Wlak khalas* ya Toufic! Tu devrais être de mon côté! M'aider!
  • Oui je vais t'aider: oublie-la! 
  • ...
  • ...
  • Whatsapp message. C'est peut-être elle. C'est elle! Elle m'a débloqué! Yesss. 
  • Je suppose qu'elle veut te passer un savon,
  • Arrête avec tes blagues vaseuses! 
  • Blagues savonneuses. Wahahaha! Alors qu'est-ce qu'elle dit? 
  • Bonjour. 
  • Bass hek Bonjour? Mech Bonsoir à cette heure-ci? 
  • Fik tseddo* Toufic? Qu'est-ce que je réponds?
  • Je ne sais pas moi, Bonjourein? 
  • Ma32oul rassak? Bonjourein?
  • Oui ça va bien avec Fekké le Bloque. 
  • Attends... Typing... " C'est toi ce tag débile sur le muret près de chez moi?" 
  • " Oui, tu me manques. Je suis désolé. Pardonne-moi."
  • " Sérieusement Amine, tu ferais mieux d'utiliser ce Soap ta tza7et*. Tu arrêtes de me harceler. C'est fini. Ne reviens jamais à ce qui t'a blessé, c'est ce que me dit toujours ma mère, Tu n'as pas eu le temps de t'attacher autant à moi en 2 mois. C'est ton égo qui parle. FICHE-MOI LA PAIX" Wow elle est cruelle.
  • Elle est intelligente. J'espère que tu as appris ta leçon. 
  • Elle m'a rebloqué
  • Cheers! Garçon! Tequila. 
  • Yel3an 7azzé*
  • Yel3an habalak*
  • ...
  • ...
  • Regarde cette blonde... 
  • Wow! Wej el se7ara !
  • Pile ou Face? 
©Josyane Boulos 

*"Enlève le "bloque", tu me manques!" 
*Ca suffit Toufic! 
*Tu peux la boucler Toufic? 
*Tu as perdu la tête?
*Pour Glisser
*Ma chance est maudite 
*Ta bêtise est maudite"






samedi 17 octobre 2020

THAWRA 1 AN DEJA


Le 17 octobre 2019, j’étais à Paris. Je préparais un énorme projet pour Mai 2020, la semaine du théâtre Libanais à Paris (qui n’a évidemment pas eu lieu pour cause de Covid-19). Je n’étais pas branchée sur la WIFI en journée, et en rentrant le soir, je me balade sur les réseaux sociaux et mon cœur a commencé à battre. L’émotion m’a envahi. Je pleurais de joie. Mon peuple s’était enfin réveillé. Je ne me lassais pas des images. J’ai réveillé mon fils pour partager avec lui ce que je pressentais comme un moment historique. J’ai très peu dormi cette nuit-là. Pour la première fois depuis très longtemps j’avais hâte d’être à Beyrouth, de me mêler à toute cette foule exaltée et exaltante. Je m’abreuvais des images postées sur Facebook, Insta, Twitter. Je racontais à tous mes amis que le Liban était sauvé. Enfin.

Dès mon arrivée, je me suis jointe aux révolutionnaires. Si je n’étais pas au centre-ville, je participais à des projets de documentaires, de théâtre collectif, d’écriture… Je ne pensais plus qu’à ça…
Et puis est arrivée la déception… La réalisation que notre peuple était profondément désuni, que la sclérose avait atteint la majorité des cerveaux. Si mon expérience de vie au Liban m’avait maintes fois prouvé que le gouffre entre les communautés (qu’elles soient religieuses, politiques, sociales ou culturelles) était colossal, je fus quand même sidérée de voir que nous étions incapables de nous unir pour sauver notre pays mais que nous préférions nous unir pour défendre un quelconque zaim qui nous considère comme de la poussière. 

Malgré cela j’ai décidé de résister avec ma seule arme : La culture. J’ai donc décidé de monter la pièce « Sobhieh » au Monnot, malgré toutes les difficultés résultant de la Thawra et de ses ennemis. Que de fois nous avons dû brutalement quitter les lieux en pleine répétition sous les bombes lacrymogènes et la fumée des pneus brûlés.

Mais j’y crois encore. En fait non, je veux y croire encore. Parce que nous n’avons pas le choix. Nous, notre génération, que j’appelle affectueusement les « derniers dinosaures », les témoins de ce que fut un Liban, de ce que nous ont raconté nos parents, sommes condamnés à nous surpasser. Nous avons l’obligation de sauver les meubles. Nous devons être les derniers à quitter le navire ou à le remettre à flots. Et à ceux qui nous accusent de tous les maux, d’être la cause de toute cette gabegie, et nous conseille de laisser la place à la jeune génération, j’aimerais juste rappeler que cette jeune génération qui a été dans la rue le 17 octobre et après le 4 août, est sortie de nos entrailles et a été éduqué par « les derniers dinosaures. » Et je suis tout à fait prête à redescendre dans la rue, à n’importe quel moment, parce qu’il n’y a pas plus noble cause que le Liban.

JOSYANE BOULOS 

vendredi 4 septembre 2020

UN COEUR BAT SOUS LES DECOMBRES




Un Cœur bat sous les décombres. Un mois après l’explosion du port, un Cœur bat encore sous les décombres. Le peuple entier s’attache à ce cœur comme une perfusion. Continue à battre parce que tu es notre cœur à tous. Parce qui si tu t’arrêtes nous mourrons tous une deuxième fois… une centième fois…

2 :30 Je ne dors pas, les yeux rivés sur les live sur Facebook. Je passe de la colère à l’empathie. La clim est à fond et je transpire quand même très fort.

 

« Ne te mets pas à sa place » me hurle mon subconscient.

Je pose mon téléphone sur ma table de chevet et essaye de dormir.

Mais cet être humain, ce cœur enseveli sous les pierres a-t-il dormi ? S’est-il imaginé que tout ce qui lui est arrivé n’était qu’un cauchemar ?  A-t-il hurlé à s’époumoner mais personne ne l’a entendu… 29 jours ?

 

« Ne te mets pas à sa place. »

Comment a-t-il pu supporter la faim, la soif, la peur ? S’est-il demandé pourquoi personne ne venait l’aider ? Pourquoi l’autre personne près de lui ne lui répondait plus ? L’a-t-il vu mourir ? A-t-il entendu son dernier souffle ?  Faites qu’il soit dans le coma depuis longtemps… sa souffrance est insoutenable.

J’ai l’impression que mon cœur va s’arrêter. Je sors du lit. Je passe dans ma salle de bains et je me lave le visage à grandes eaux.

Mais elle cette âme qui respire 19 fois par minute… Comment ? Comment a-t-elle survécu 29 jours ? Dans le noir, dans la solitude absolue ? A-t-elle essayé de téléphoner ? Elle et l’autre près d’elle sont-elles si seules au monde qu’elles n’ont manqué à personne ? Que personne ne les pleure ? C’est horrible.

 

« Ne te mets pas à sa place. »

Je n’arrive pas à me détacher de ce cœur. Comme si me détacher allait le tuer. A-t-il entendu le murmure de la foule dans la rue qui priait pour sa survie ? A-t-il entendu le soulèvement populaire qui a exigé et organisé la reprise des travaux de secours ? saura-t-il jamais que c’est une chienne chilienne qui l’a retrouvé ? Une bête qui vaut mille êtres humains.  Sait-il que l’état voulait l’abandonner à son propre sort ? Que sans la société civile les recherches n’auraient jamais eu lieu ? Comprend-il qu’il est l’allégorie de tout un peuple abandonné à son propre sort ? Qu’il se bat encore pour survivre dans un pays gouverné par 3 états ? Un état corrompu qui le vole, un état armé qui le tue et le menace et un état peuple qui s’est pris en main et qui s’autogouverne ?

 

« Ne te mets pas à sa place. »

4h du matin… j’ai mal aux cœurs.  Je tends ma main vers le tiroir de ma table de chevet, prends un comprimé et l’avale. Je dois dormir d’un sommeil sans rêves, sans cauchemars.

 

Un mois après l’explosion, sera-t-il vivant à mon réveil ? Quelqu’un sera-t-il puni pour tous ces meurtres ? Continuerons-nous à nous battre pour que Justice soit faite ? Ou sombrerons-nous de nouveau dans l’insouciance des fêtes ?

Ne pas oublier.

Ne pas pardonner.

Jamais.



JOSYANE BOULOS  

 Photo Akram Nehmé - 3 septembre 2020 Gemmayzé - Beyrouth,

 

 

 

lundi 20 juillet 2020

JOSYANE BOULOS : FIN DE RIEN, DEBUT DE RIEN


QUESTIONNAIRE PARU DANS L'ORIENT LE JOUR DU 27 MAI 2020

Qu’est-ce qui vous manque le plus dans ce confinement forcé ?

- La liberté d’aller et de venir! Je n’ai jamais été quelqu’un qu’on peut obliger à faire quelque chose…

Qu’est ce qui vous réjouit le plus ?

- Le silence! Je suis allergique au bruit!

Ou auriez-vous aimé être confiné, à part chez vous ?

- Dans une cabane au bord de la mer dans les Caraïbes! Plus précisément dans l’île d’Antigua, sur la plage de Half Moon Bay! C’est précis hein?

Avec quel chanteur ou musicien auriez vous aimé vous confiner ?

- Alors comme les journées sont longues, j’aimerais me réveiller avec Hugh Jackman (heureusement il chante aussi…),déjeuner avec Sting, goûter avec Julio et me rappeler ma jeunesse, diner avec Eric Clapton et J.J Cale, danser avec les Abba, et m’endormir soit avec Enrique soit Zac Efron (ou les 2 selon l’énergie du soir… espoir ?)

Quel est votre look vestimentaire du confinement ? 

- Genre The Dude dans The Big Lebowski ! J’ai essayé Miranda de The Devil wears Prada, ça a duré 15mn.

 

Etes-vous télétravail ou télé tout court ?

- Je suis Netflix

Chauve-souris/pangolin ou complot international ? 

- Le monde entier joue dans un film de science fiction…Hallucinant…

Fin du monde ou début d'une ère nouvelle ? 

- Fin de rien, début de rien. 

Junk Food ou sport dans le salon ?

- Healthy food et les cent pas!

Vinaigre blanc ou eau de Javel? 

-  Javel et savon

Medias traditionnels ou réseaux sociaux ? 

- Réseaux et medias en ligne

Vous êtes-vous découvert un nouveau talent ou un nouveau penchant ?

- Je vais rester honnête pour le restant de mes jours… je ne durerais pas 5 minutes en prison.

Quel film mettez-vous en quarantaine?

- Les films angoissants.

Quel livre avez-vous envie de jeter par la fenêtre ?

 -100 ans de solitude de G.G Marquez !

Un film classique que vous aimeriez (re)voir maintenant ?

- Some like it hot avec Marilyn Monroe

Qu’est ce qui vous fait encore rire ? Pleurer ?

- Rire: toutes les blagues qui circulent. Pleurer: recevoir la même blague 10 fois par jour.

Une qualité à prendre et un défaut à laisser, avec cette pandémie ?

- La patience je garde. La gourmandise, je cède au plus offrant.

Un seul mot pour décrire votre état d’esprit ?

- Parenthèse

Quelle est la dernière chose à laquelle vous pensez le soir avant de vous coucher ?

-Je récite « Sobhieh » comme un mantra

Quelle est la première chose que vous ferez à la fin de la pandémie ?

 

- Revenir sur scène.

jeudi 9 juillet 2020

DES FEMMES, DES HOMMES ET DU CŒUR: JOSYANE BOULOS


Associations

RENCONTRE
08/05/2020

Le tissu social du Liban a toujours été soutenu par des associations créées le plus souvent sur des initiatives personnelles et relevant du secteur privé. Dans ces moments où la solidarité est le maitre mot pour surmonter les grandes difficultés que traverse le pays, le rôle de ces femmes et de ces hommes est d’autant plus renforcé, important, admirable et tellement indispensable au quotidien.

 

L’Agenda Culturel vous présente ces associations et les personnes qui leur donnent vie.

Josyane Boulos

Association : 3touna Al Majal

 

Quelle est la mission de votre association ?

AL MAJAL un centre d’accueil de jour pour adultes handicapés mentaux qui depuis 2001 accompagne des adultes de plus de 18 ans, présentant une déficience intellectuelle, et ce tous les jours sauf le week-end et jours fériés de 8h à 17h.

Nos Objectifs en 6 points :

1. Permettre à ces personnes adultes, en difficulté pour travailler en secteur ordinaire ou protégé, mais autonomes dans les actes essentiels de l’existence, d’être prises en charge et accompagnées en journée, dans un lieu propice à leur développement et à leur meilleure intégration

2. Fournir un programme éducatif selon la capacité́ intellectuelle et l’intérêt personnel de chacun. Ils sont encouragés à s’exprimer de manière libre et spontanée à travers les différents ateliers mis à leur disposition

3. Orienter les jeunes vers le travail dans la boulangerie du centre. Les activités ont été́ divisés selon les capacités de chacun.

4. Assurer des activités ludiques. Tous les jours, dans l’après-midi, tous les jeunes participent aux activités préparéespour eux avec des éducateurs et des animateurs spécialisés

5. Aider les parents à mieux accepter la situation de leur enfant

6. Planifier l’avenir des jeunes.

 

Qu’est-ce qui vous a motivé au niveau personnel pour entreprendre cette initiative ?

Ce n’est plus un secret pour personne ! J'ai créé l’association en pensant à ma fille Valérie qui est comme on dit "une jeune fille à besoins spécifiques", pour qu’elle ait un lieu où elle peuts’épanouir, jouer, apprendre à son rythme. Al Majal avait commencé en tant que centre de loisirs pour enfants différents qui ouvrait ses portes juste l’après-midi pour ensuite se développer avec les besoins de nos jeunes en centre d’accueil de jour.

 

Comment entrez-vous en contact avec les personnes ou les familles que vous aidez ?

A nos débuts, nous avons fait plusieurs campagnes publicitaires classiques. Actuellement, vu le sérieux de notre centre, le bouche-à oreille fonctionne parfaitement. Nous sommes souvent recommandés par des professionnels dans le monde médical ou de l’éducation spécialisée. Grâce aux efforts et au sérieux d’une équipe enthousiaste, AL MAJAL a une bonne réputation.

 

De qui est composée votre équipe ?

Nos jeunes sont accueillis par des professionnels, psychologues, éducatrices spécialisées, ergothérapeute, psychomotricienne… Le centre est dirigé par Dr Antoine Chartouni, psychologue et auteur de plusieurs ouvrages sur la psychologie et de livres pour enfants.

 

Comment êtes-vous financés ?

- Les parents qui le peuvent payent une cotisation mensuelle.

- Nous vendons nos biscuits sur commande, dans les marchés ou dans le foyer des salles de théâtre.

- Nous éditons un livre pour enfant par an (écrit par nos jeunes) chez Assala, qui est vendu au profit de l’association                                                                                                                                                                         

- Les donations

 

Quels sont vos plus grands défis

Continuer !

 

Quels sont vos projets pour le futur ?

Nous sommes en train de créer une page web pour permettre les donations de l’étranger, avec un gros projet que je préfère encore garder secret.

 

Comment peut-on aider ?

En parrainant un adulte qui ne peut pas payer sa cotisation, en achetant régulièrement nos biscuits sur commande au 03 622354 ou en faisant des donations en liquide.

 

Nom de l’association3touna Al Majal
Adresse et téléphoneMar Takla – Hazmieh – 03 622354
WebsiteEn cours de construction.
FacebookAl Majal
InstagramAl_Majal_
Plateforme de donationBientôt sur le web

 

mercredi 8 juillet 2020

EXPERTS EN SUSHI? FEMME DE MENAGE? ET POURQUOI PAS EPOUVANTAIL HUMAIN?


Nos dirigeants nous prennent pour des cons et nous les laissons faire.

Dernièrement, ils nous ont suggéré à qui mieux mieux des idées pour nous aider à sortir de la crise (encore heureux, ils reconnaissent qu’il y a une crise). On nous a proposé de devenir cuisiniers spécialisés en sushi, femme de ménage, de planter nos propres légumes pour nous nourrir, de boire de l’arack au lieu du whisky et j’en passe.

Je dois avouer que ces gens-là manquent totalement d’imagination. C’est MOI qui aurais dû faire partie du gouvernement… Parce que, honnêtement, j’ai trouvé des métiers d’avenir compatibles avec la crise qui en aideraient plus d’un.  

Voici donc ma liste de suggestions. Envoyer vos CV aux ministres actuels.

 

Excuseur Public : Vous serez en charge de trouver des excuses pour différentes situations : pourquoi vous ne pouvez pas payer votre loyer, pourquoi vous êtes en train de manifester, pourquoi vous continuer à apprécier la vie malgré la crise… Vous pouvez même aider les membres du gouvernement. D’ailleurs, la Médaille du Travail devrait être remise à celui qui a trouvé la fabuleuse excuse « Ils ne nous ont pas laissé travailler. »

 

Épouvantail Humain : Il y aura ceux qui planteront et ceux qui pourront faire les épouvantails au milieu des champs. Rien de mieux qu’un hurlement humain pour faire fuir les bêtes. Et comme nous avons tous besoin/envie de hurler…

 

Ambassadeur de l’Arack : Pourquoi boire du Whisky single malt quand on a l’Arack ? Ce métier est très simple : boire de l’arack et en parler aux gens, disant à quel point l’Arack c’est Géniaaaaal.

 

Conseiller au change et aux dépenses : LE Métier par excellence. Nerfs solides recommandés. Vous aurez à répondre à des centaines de questions : Combien vaut le dollar à 10h15 ? Combien vaudra-t-il à 15h ? Si j’ai des euros vaut mieux les changer en dollars ou les garder ? A combien les banques changent- elles mes dollars ? Quel supermarché vend le lait au meilleur prix ? Les dollars canadiens, je peux les échanger ? Oui ? Ah cool, à combien ? Il vaut mieux que je paye le supermarché en $ ou en LL ? La TVA perçue par les commerces est-elle calculée au taux officiel de 1507 LL ou au taux du marché noir ? 7ada 3ando Dramamine ? Dekhet !

 

Testeur d’odeurs : Les déodorants, savons, shampoings coûtent de plus en plus chers. L’eau manque de plus en plus. Devenez Testeur d’odeurs ! Vous sentez la personne avant une soirée, un rendez-vous et notez son niveau d’odeur. Votre outil de travail : une bouteille d’eau de Cologne. Perception olfactive élevée recommandée.

 

Chasseur de Fake news : Vous serez un Sherlock Holmes des temps modernes. Ce métier est un peu plus difficile, parce qu’il faut déjà avoir un QI très élevé et par le fait même ne pas être membre ou fanatique d’un parti quelconque. La neutralité politique et religieuse est un must. Comme disent les allemands Einem schweren Irrtum aufsitzen : se tromper gravement (Fake news : je ne parle pas l’Allemand…)

 

Exciteur de foules : Contrairement au chasseur de Fake news, vous devez choisir un parti. Vos qualifications : avoir un vocabulaire très riche en insultes en tout genre, savoir créer des chansons en deux temps trois mouvements ( de musique) (Grammy Award au créateur du célèbre Héla, Héla, Ho repris et adapté par tous les partis), sortir des bijoux genre « Les chrétiens ont droit à une centrale électrique », « Tous sont corrompus sauf nous », « Mettons des pommes de terre dans la farine », « le problème c’est que nous voulons l’électricité 24/24 », « Les vieux comme lui (H.D) méritent bien plus pour l’océan de leur savoir et le fleuve de leur expertise »… Vous voyez le genre.

 

Surveillant d’insultes : C’est un métier très astreignant vu que les insultes fusent à la seconde : chaque fois que l’électricité se coupe, que l’eau s’arrête, qu’un politicien sort une connerie, dans le trafic, quand on voit les prix au supermarché, quand on reçoit les factures du moteur, de l’EDL, de l’Office des eaux, quand on regarde l’émission de Marcel Ghanem… Il est vivement conseillé de travailler en équipe.

 

Plombeur d’ambiance (Boumé en Libanais) : Qualifications : être un pessimiste né. Voir toujours le verre à moitié vide, avoir une peur bleue d’être heureux de peur que ça aille mal après.  Avoir une capacité à rendre l’ambiance pesante, désagréable surtout quand il y a (enfin) une bonne nouvelle, ou un évènement positif.  Pousser continuellement les gens à rester tristes, moroses, incapables de créer et de réagir. Exemples : « La Thawra ne sert à rien », « Le concert de Baalbeck, c’est l’adieu du cygne » … Métier parfait pour les enterrements.

 

Yalla les chômeurs, vous n’avez plus d’excuses ! (LOL)

 

Josyane Boulos

samedi 4 juillet 2020

LA FILLE (MOI) QUI AIMAIT JULIO (ABOU ENRIQUE)






Il y a 40 ans, en Juillet 1980,  j’ai rencontré Julio Iglesias… Pfff déjà !

Quand j’ai écouté Julio pour la première fois, j’en suis tombée raide dingue amoureuse. Tout de suite. Une groupie timbrée, une fan délirante, une idiote hystérique quoi ! 
Nous étions en été 1978, j’avais 15 ans. Achrafieh était bombardée sans relâche par les troupes syriennes. Nous avions fui notre maison à Sodeco pour nous réfugier chez ma tante Nora à Jouret El Termos, loin des bombes.  Les journées se ressemblaient et pour écouter de la musique occidentale, je me branchais chaque matin sur RMC (Radio Monte-Carlo) pour écouter Michel Daner (Michel Daner, bonjour...) Un matin, qui restera gravé dans ma mémoire puisque je vous en parle, Michel Daner, présente aux femmes (il l’avait bien précisé : Mesdames, les prochains morceaux sont spécifiquement pour vous…) un jeune chanteur espagnol à la voix de velours et au physique de jeune premier hollywoodien. Et puis s’enchainent « Manuela », «  A veces tu, A veces Yo »  (Parfois toi, parfois moi), « Abrazame » (Viens m'embrasser). J’ai haussé le son. Je n’ai pas compris un seul mot des paroles, mais mon cœur battait la chamade. Je me suis sentie transportée loin du marasme que nous vivions. Je revivais, soudain tout était de nouveau possible. Je me suis précipitée vers mon tiroir d’où j’ai sorti une cassette. J’ai eu juste le temps d’enregistrer un morceau de « Abrazame », cette chanson qui me fait encore toute chose quand je l’écoute (en écrivant ce texte par exemple). Je suis donc tombée amoureuse d’une voix, n’ayant aucune idée de la tête qu’avait Julio Iglésias.
Quand ceci est arrivé, Papa était en voyage d'affaires, à Paris. Ne pouvant le contacter ni par téléphone, ni par télégramme, ni par lettre (je vous rappelle nous sommes en 1978 et la guerre faisait rage), je me suis dite que le meilleur moyen restait la télépathie. Mes journées entières furent dès lors occupée par une seule et unique pensée « Papa si tu m’entends, il faut que tu me ramènes un disque de Julio Iglesias.» Parfois, j’ajoutais « Ma vie en dépend » juste pour qu’il sente l’urgence de la situation.
Quelques jours après le coup de foudre, la situation devenait intenable : à force d’écouter en boucle les 2mn enregistrées de Abrazame, la cassette était usée. Heureusement Papa arrivait le lendemain… M’avait-il entendu ? Mes pensées avait-elles traversé les 3500km jusqu’à Paris ?  
Papa est là. Une fois la valise posée et les embrassades terminées, il me dit « Josyane, je t’ai cherché un disque d’un chanteur dont tout le monde parle à Paris » Mon cœur s’arrête 3 secondes… et il me sort un disque noir, un double ! … « Il s’appelle Julio Iglesias, je suis sûr que tu vas adorer. » Mon père est le plus fort ! Le vinyl c’était Julio Iglesias à l’Olympia. Madre de Dios, qu’est-ce qu’il est beau ! Je n’avais plus qu’une certitude : j’étais foutue.
Le 6 octobre 78, le Conseil de Sécurité annonce un cessez-le-feu immédiat et une réconciliation nationale (ha ha ha !). La vie « normale » reprend son cours. Nous revenons chez nous à Sodeco. Les posters de Julio envahissent petit à petit les murs de ma chambre, les vinyls et cassettes s’empilent, sa voix résonne dans la maison à chaque fois que j’étais chez moi. Mes amis se moquaient gentiment de moi et essayaient de m’initier à d’autres chanteurs et groupes. Que j’écoutais avec plaisir mais mon cœur revenait à Julio. (Maintenant, j’écoute beaucoup plus souvent les autres que le bel espagnol).

Et voilà que nous sommes en 1980. L’année de mon bac, l’année de mes 18 ans.  Et l’année où j’ai rencontré Julio.
Mon père rentre un soir du bureau et me dit
-       Devine qui vient au Liban ? 
-       Je ne sais pas moi. Robert ?
-       Non.
-       Alors qui ?
-       Julio Iglesias !
-       Jure !
-       Je jure ! Et devine qui s’occupe de la campagne pub ?
-       TOI ? C’est-à-dire …. Je vais rencontrer Julio Iglésias ?
-       Oui. Il va donner un show au stade Fouad Chehab à Jounieh et j’ai besoin de toi et de tes amis pour nous aider à l’organisation.
Je n’en revenais pas… je n’ai presque pas dormi. Déjà que je n’étudiais pas beaucoup, à part les cours de Philo et le théâtre… Il était inutile d’essayer de me mettre raison en tête. D’ailleurs j’ai raté mon bac, première session. Mais je m’en fichais : Julio venait chanter au Liban. Il y a des choses plus importantes dans la vie que les Maths (je le pense toujours ! Et puis j’ai décroché le bac en Septembre 80, je n’étais pas à deux mois près.)

1 Juillet 1980. Il est au Liban. Mes parents sont invités à diner avec lui à l’Excelo, cette boîte à la mode à Beit-Méry. Ma mère est sur son trente et un.
Je lui recommande très sérieusement « Maman, là où il te touche, et surtout si tu l’embrasses, tu ne laves pas ! »
Je vous dis. Complètement Barjo la Josyane !
Et je les ai attendus. Quand ils sont rentrés, je les ai assaillis de questions. Surtout à maman, le connaissant séducteur ! Évidemment, je n’ai jamais autant touché et senti ma mère que ce soir-là.
Heureusement que mes parents ont toujours été libéraux, artistes tendance bohême. Sinon, j’aurais été probablement punie et dévastée!

3 Juillet 1980. Concert au Casino du Liban. Nous y avons été en famille. Papa, Maman, mon frère et ma sœur. Et bien sûr moi ! J’avais mis mon plus bel ensemble jupe jaune et noir. Il n’a pas fallu plus de deux chansons pour que je sois encore plus conquise. Je m’époumonais ! Malheureusement nous étions assis un peu loin. Et après le concert, je n’ai pas pu l’approcher pour demander un autographe (l’ancêtre des selfies).
Mais c’était ne pas me connaitre. !  Il y a des moments comme ça dans la vie, qui vous prouvent qui vous êtes vraiment. Et ce soir, je m’étais prouvée que quand je veux, je peux... et que je suis une folle audacieuse!
-       - Papa, ça t’embête de me faire passer au Lagon Beach Club ( à Jounieh) ? Julio dine là-bas et je veux vraiment son autographe.
-       Bien sûr ma chérie (Je vous l’ai dit : Mon papa c’est le plus fort !)

La Volvo se gare devant le Lagon. Mon cœur bat trop fort. Ils vont finir par l’entendre…
-       Deux minutes je reviens.
-       Je viens avec toi ? demande Maman.
-       Non, non, ne te dérange pas,  ça ne vaut pas la peine, je fais vite.
Je traverse la longue allée pavée qui mène à la terrasse.  Et je le vois ! Qu’est-ce qu’il est beau, ce n’est pas permis ! Il est assis, dos à la mer, sur une longue table, entouré des plus belles femmes de Beyrouth. Toute la Jet Set est là. Je ne connaissais personne. J’avais 17 ans, ma plus jolie robe, d’énormes lunettes et je n’avais d’yeux que pour lui… Comme attirée par un aimant, je m’avance vers lui, sans réfléchir. Je suis tout près de lui, je sens son odeur. Je me penche, je lui prends le visage à pleines mains, je pose mes lèvres sur les siennes et lui donne un baiser qui contenait toute l’envie des deux ans qui ont passé depuis l’été 78. Avec la langue et tout et tout. Et je m’en vais. Je l’ai embrassé et je suis partie. Ça a dû prendre 1 minute depuis la descente de la voiture jusqu’au retour.
Évidemment je n’avais pas d’autographe, mais je ne me suis pas brossé les dents ni cette nuit-là ni le lendemain !

Le surlendemain 4 juillet 1980, c’était le grand concert au stade. Je demandais à Maman :
-       Maman, et si tu me prenais plus tôt au stade que je commence à préparer avant que les autres n’arrivent ? (Déjà le virus de l’organisation ? Hahaha… tu parles, je savais que Julio y répétait)
-       Bien sur ma chérie (Ma mère c’est la plus forte)
A l’époque, Sodeco – Jounieh c’était 15 minutes.  Nous arrivons au stade ma mère et moi. J’avais mis une jupe aux couleurs pastel et le T-Shirt « Perrier » officiel des organisateurs.
Le soleil tapait. Le stade en ce temps-là n’était pas couvert de pelouse comme aujourd’hui. Nous entrons dans l’arène ma mère et moi. L’estrade était au fond. Julio répétait avec son orchestre. Quand ils nous voient arriver, il fait signe à ses musiciens d’arrêter. Il prend son micro et dis « Approche »
Je regarde derrière moi pour voir à qui il parle. Il me fait signe de la main, « Toi, toi, viens »
-       Moi ?
-       Oui
Je m’avance lentement. Je ne savais pas quoi penser. Mon cœur balançait entre la peur et l’excitation. Il descend d’un bond de l’estrade. Il était en jeans et T-shirt et moi j’allais mourir. Il s’approche de moi.
-       C’était toi l’autre soir ?
-       Je… moi… quel soir ?
-       Le baiser.
Il fallait que la terre m’engloutisse immédiatement, ou que des Aliens me télé-transportent à la seconde. N’importe quoi. Disparaitre. TOUT DE SUITE. Je sentais que j’allais m’évanouir. Et je devais être rouge écarlate de honte. IL N’ÉTAIT PAS SUPPOSÉ ME RECONNAÎTRE ! 
La plus grande megastar de l’univers me dit alors, avec un accent à faire fondre les plus conservatrices:
-« L’homme qui va t’épouser sera le plus heureux des hommes »
Et dans ma tête de teenager de 17 ans la première pensée qui m’est venue
- « F*** qu’est-ce que je dois bien embrasser » ...
Et puis il ajoute « Te adoro » (je t’adore). Oui, oui je sais qu’il doit le dire à toutes ses groupies mais ce soir c’était à moi ! A moi toute seule. 
-       - Tu seras au concert ce soir ?
-      -  Oui, bien sûr.
J’ai été capable d’embrasser Julio Iglésias mais je n’ai pas su placer deux mots à la suite face à lui.
Le soir, j’étais assise au premier rang par terre, avec tous mes amis qui avaient travaillé pour le concert. Et à un moment, il s’assied au bord de l’estrade et me chante une chanson ses yeux droit dans les miens.

La chanson c’était « Abrazame » ((Viens m'embrasser).



Josyane Boulos