samedi 4 juillet 2020

LA FILLE (MOI) QUI AIMAIT JULIO (ABOU ENRIQUE)






Il y a 40 ans, en Juillet 1980,  j’ai rencontré Julio Iglesias… Pfff déjà !

Quand j’ai écouté Julio pour la première fois, j’en suis tombée raide dingue amoureuse. Tout de suite. Une groupie timbrée, une fan délirante, une idiote hystérique quoi ! 
Nous étions en été 1978, j’avais 15 ans. Achrafieh était bombardée sans relâche par les troupes syriennes. Nous avions fui notre maison à Sodeco pour nous réfugier chez ma tante Nora à Jouret El Termos, loin des bombes.  Les journées se ressemblaient et pour écouter de la musique occidentale, je me branchais chaque matin sur RMC (Radio Monte-Carlo) pour écouter Michel Daner (Michel Daner, bonjour...) Un matin, qui restera gravé dans ma mémoire puisque je vous en parle, Michel Daner, présente aux femmes (il l’avait bien précisé : Mesdames, les prochains morceaux sont spécifiquement pour vous…) un jeune chanteur espagnol à la voix de velours et au physique de jeune premier hollywoodien. Et puis s’enchainent « Manuela », «  A veces tu, A veces Yo »  (Parfois toi, parfois moi), « Abrazame » (Viens m'embrasser). J’ai haussé le son. Je n’ai pas compris un seul mot des paroles, mais mon cœur battait la chamade. Je me suis sentie transportée loin du marasme que nous vivions. Je revivais, soudain tout était de nouveau possible. Je me suis précipitée vers mon tiroir d’où j’ai sorti une cassette. J’ai eu juste le temps d’enregistrer un morceau de « Abrazame », cette chanson qui me fait encore toute chose quand je l’écoute (en écrivant ce texte par exemple). Je suis donc tombée amoureuse d’une voix, n’ayant aucune idée de la tête qu’avait Julio Iglésias.
Quand ceci est arrivé, Papa était en voyage d'affaires, à Paris. Ne pouvant le contacter ni par téléphone, ni par télégramme, ni par lettre (je vous rappelle nous sommes en 1978 et la guerre faisait rage), je me suis dite que le meilleur moyen restait la télépathie. Mes journées entières furent dès lors occupée par une seule et unique pensée « Papa si tu m’entends, il faut que tu me ramènes un disque de Julio Iglesias.» Parfois, j’ajoutais « Ma vie en dépend » juste pour qu’il sente l’urgence de la situation.
Quelques jours après le coup de foudre, la situation devenait intenable : à force d’écouter en boucle les 2mn enregistrées de Abrazame, la cassette était usée. Heureusement Papa arrivait le lendemain… M’avait-il entendu ? Mes pensées avait-elles traversé les 3500km jusqu’à Paris ?  
Papa est là. Une fois la valise posée et les embrassades terminées, il me dit « Josyane, je t’ai cherché un disque d’un chanteur dont tout le monde parle à Paris » Mon cœur s’arrête 3 secondes… et il me sort un disque noir, un double ! … « Il s’appelle Julio Iglesias, je suis sûr que tu vas adorer. » Mon père est le plus fort ! Le vinyl c’était Julio Iglesias à l’Olympia. Madre de Dios, qu’est-ce qu’il est beau ! Je n’avais plus qu’une certitude : j’étais foutue.
Le 6 octobre 78, le Conseil de Sécurité annonce un cessez-le-feu immédiat et une réconciliation nationale (ha ha ha !). La vie « normale » reprend son cours. Nous revenons chez nous à Sodeco. Les posters de Julio envahissent petit à petit les murs de ma chambre, les vinyls et cassettes s’empilent, sa voix résonne dans la maison à chaque fois que j’étais chez moi. Mes amis se moquaient gentiment de moi et essayaient de m’initier à d’autres chanteurs et groupes. Que j’écoutais avec plaisir mais mon cœur revenait à Julio. (Maintenant, j’écoute beaucoup plus souvent les autres que le bel espagnol).

Et voilà que nous sommes en 1980. L’année de mon bac, l’année de mes 18 ans.  Et l’année où j’ai rencontré Julio.
Mon père rentre un soir du bureau et me dit
-       Devine qui vient au Liban ? 
-       Je ne sais pas moi. Robert ?
-       Non.
-       Alors qui ?
-       Julio Iglesias !
-       Jure !
-       Je jure ! Et devine qui s’occupe de la campagne pub ?
-       TOI ? C’est-à-dire …. Je vais rencontrer Julio Iglésias ?
-       Oui. Il va donner un show au stade Fouad Chehab à Jounieh et j’ai besoin de toi et de tes amis pour nous aider à l’organisation.
Je n’en revenais pas… je n’ai presque pas dormi. Déjà que je n’étudiais pas beaucoup, à part les cours de Philo et le théâtre… Il était inutile d’essayer de me mettre raison en tête. D’ailleurs j’ai raté mon bac, première session. Mais je m’en fichais : Julio venait chanter au Liban. Il y a des choses plus importantes dans la vie que les Maths (je le pense toujours ! Et puis j’ai décroché le bac en Septembre 80, je n’étais pas à deux mois près.)

1 Juillet 1980. Il est au Liban. Mes parents sont invités à diner avec lui à l’Excelo, cette boîte à la mode à Beit-Méry. Ma mère est sur son trente et un.
Je lui recommande très sérieusement « Maman, là où il te touche, et surtout si tu l’embrasses, tu ne laves pas ! »
Je vous dis. Complètement Barjo la Josyane !
Et je les ai attendus. Quand ils sont rentrés, je les ai assaillis de questions. Surtout à maman, le connaissant séducteur ! Évidemment, je n’ai jamais autant touché et senti ma mère que ce soir-là.
Heureusement que mes parents ont toujours été libéraux, artistes tendance bohême. Sinon, j’aurais été probablement punie et dévastée!

3 Juillet 1980. Concert au Casino du Liban. Nous y avons été en famille. Papa, Maman, mon frère et ma sœur. Et bien sûr moi ! J’avais mis mon plus bel ensemble jupe jaune et noir. Il n’a pas fallu plus de deux chansons pour que je sois encore plus conquise. Je m’époumonais ! Malheureusement nous étions assis un peu loin. Et après le concert, je n’ai pas pu l’approcher pour demander un autographe (l’ancêtre des selfies).
Mais c’était ne pas me connaitre. !  Il y a des moments comme ça dans la vie, qui vous prouvent qui vous êtes vraiment. Et ce soir, je m’étais prouvée que quand je veux, je peux... et que je suis une folle audacieuse!
-       - Papa, ça t’embête de me faire passer au Lagon Beach Club ( à Jounieh) ? Julio dine là-bas et je veux vraiment son autographe.
-       Bien sûr ma chérie (Je vous l’ai dit : Mon papa c’est le plus fort !)

La Volvo se gare devant le Lagon. Mon cœur bat trop fort. Ils vont finir par l’entendre…
-       Deux minutes je reviens.
-       Je viens avec toi ? demande Maman.
-       Non, non, ne te dérange pas,  ça ne vaut pas la peine, je fais vite.
Je traverse la longue allée pavée qui mène à la terrasse.  Et je le vois ! Qu’est-ce qu’il est beau, ce n’est pas permis ! Il est assis, dos à la mer, sur une longue table, entouré des plus belles femmes de Beyrouth. Toute la Jet Set est là. Je ne connaissais personne. J’avais 17 ans, ma plus jolie robe, d’énormes lunettes et je n’avais d’yeux que pour lui… Comme attirée par un aimant, je m’avance vers lui, sans réfléchir. Je suis tout près de lui, je sens son odeur. Je me penche, je lui prends le visage à pleines mains, je pose mes lèvres sur les siennes et lui donne un baiser qui contenait toute l’envie des deux ans qui ont passé depuis l’été 78. Avec la langue et tout et tout. Et je m’en vais. Je l’ai embrassé et je suis partie. Ça a dû prendre 1 minute depuis la descente de la voiture jusqu’au retour.
Évidemment je n’avais pas d’autographe, mais je ne me suis pas brossé les dents ni cette nuit-là ni le lendemain !

Le surlendemain 4 juillet 1980, c’était le grand concert au stade. Je demandais à Maman :
-       Maman, et si tu me prenais plus tôt au stade que je commence à préparer avant que les autres n’arrivent ? (Déjà le virus de l’organisation ? Hahaha… tu parles, je savais que Julio y répétait)
-       Bien sur ma chérie (Ma mère c’est la plus forte)
A l’époque, Sodeco – Jounieh c’était 15 minutes.  Nous arrivons au stade ma mère et moi. J’avais mis une jupe aux couleurs pastel et le T-Shirt « Perrier » officiel des organisateurs.
Le soleil tapait. Le stade en ce temps-là n’était pas couvert de pelouse comme aujourd’hui. Nous entrons dans l’arène ma mère et moi. L’estrade était au fond. Julio répétait avec son orchestre. Quand ils nous voient arriver, il fait signe à ses musiciens d’arrêter. Il prend son micro et dis « Approche »
Je regarde derrière moi pour voir à qui il parle. Il me fait signe de la main, « Toi, toi, viens »
-       Moi ?
-       Oui
Je m’avance lentement. Je ne savais pas quoi penser. Mon cœur balançait entre la peur et l’excitation. Il descend d’un bond de l’estrade. Il était en jeans et T-shirt et moi j’allais mourir. Il s’approche de moi.
-       C’était toi l’autre soir ?
-       Je… moi… quel soir ?
-       Le baiser.
Il fallait que la terre m’engloutisse immédiatement, ou que des Aliens me télé-transportent à la seconde. N’importe quoi. Disparaitre. TOUT DE SUITE. Je sentais que j’allais m’évanouir. Et je devais être rouge écarlate de honte. IL N’ÉTAIT PAS SUPPOSÉ ME RECONNAÎTRE ! 
La plus grande megastar de l’univers me dit alors, avec un accent à faire fondre les plus conservatrices:
-« L’homme qui va t’épouser sera le plus heureux des hommes »
Et dans ma tête de teenager de 17 ans la première pensée qui m’est venue
- « F*** qu’est-ce que je dois bien embrasser » ...
Et puis il ajoute « Te adoro » (je t’adore). Oui, oui je sais qu’il doit le dire à toutes ses groupies mais ce soir c’était à moi ! A moi toute seule. 
-       - Tu seras au concert ce soir ?
-      -  Oui, bien sûr.
J’ai été capable d’embrasser Julio Iglésias mais je n’ai pas su placer deux mots à la suite face à lui.
Le soir, j’étais assise au premier rang par terre, avec tous mes amis qui avaient travaillé pour le concert. Et à un moment, il s’assied au bord de l’estrade et me chante une chanson ses yeux droit dans les miens.

La chanson c’était « Abrazame » ((Viens m'embrasser).



Josyane Boulos
























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