Hier, en célébrant les 150 ans de la Bibliothèque Orientale, j'ai été frappée par la moyenne d’âge des invités, un public passionné, mais vieillissant. Cela m'a menée à cette réflexion sur le monde culturel au Liban. Parce qu’il faut bien le dire : notre scène culturelle, qui jadis fourmillait de jeunes voix et de figures inspirantes, semble aujourd’hui portée par une génération qui avance en âge, encore vibrante, mais souvent sans relève apparente. Le souci est clair : qui prendra le relais pour préserver et renouveler cet héritage culturel et offrir aux jeunes d'aujourd'hui une voix dans ce domaine qui, pourtant, a besoin de sang neuf ?
On pourrait se dire que c'est juste une question de temps, mais le constat est là : il faut encourager, former et inspirer cette jeunesse pour qu’elle se sente légitime et nécessaire dans ce secteur. Et puis, sans ces nouveaux talents, comment ce patrimoine culturel pourra-t-il s’adapter aux réalités actuelles ? Les jeunes sont souvent écartelés entre l’envie de s’impliquer et le manque d’accès aux formations, aux espaces de création, et surtout aux ressources. Alors, pourquoi ne pas imaginer des ateliers ou des résidences accessibles où ils pourraient se former et expérimenter sous la houlette d’artistes plus établis, libanais ou étrangers ? Cela pourrait être un premier pas pour casser les barrières et rendre ce monde plus accueillant et inclusif.
En parallèle, il faudrait investir les écoles, sensibiliser dès le plus jeune âge pour que la culture devienne une passion, pas juste un passe-temps d’élite. Pourquoi ne pas collaborer avec les établissements scolaires pour organiser des visites, des rencontres avec des artistes, des ateliers interactifs ? La culture devrait être ancrée dans le quotidien, un terrain familier, et non pas un domaine réservé aux grandes occasions ou à une poignée de passionnés.
Une autre idée, qui me semble fondamentale, serait de permettre aux jeunes d’avoir une voix réelle dans les décisions culturelles. Pourquoi ne pas intégrer des jeunes dans les conseils de direction ou de programmation ? Ils auraient ainsi la chance d’exprimer leurs visions et de comprendre de l’intérieur les rouages de ce milieu. Et pour eux, ce serait un moyen de se sentir légitimement impliqués, de participer activement au rayonnement culturel du Liban.
Enfin, il faudrait peut-être sortir des cadres officiels et encourager les initiatives indépendantes. Les jeunes ont besoin de lieux où ils peuvent se retrouver, créer, expérimenter en toute liberté, des collectifs artistiques, des espaces alternatifs où ils seraient libres de s'exprimer sans les contraintes formelles des institutions culturelles traditionnelles. En soutenant ces initiatives et en leur offrant un espace pour exister, on pourrait voir éclore une scène alternative, fraîche et innovante.
Ces initiatives, qu’elles soient en ligne ou dans des lieux physiques, sont le terreau d’un renouveau culturel qui est essentiel, surtout en cette période de crise. Mais il ne suffit pas d’attendre que cela vienne de la jeunesse seule ; il revient aussi à notre génération de faire de la place, d’ouvrir des portes, et de montrer que ce domaine a tout à gagner en accueillant de nouvelles perspectives, des sensibilités et des imaginaires multiples.
La revitalisation de la scène culturelle libanaise ne se fera pas sans efforts concertés et sans cette vision collective d’un avenir culturel où chaque génération a sa place, son rôle et sa voix. C’est un défi, mais si nous n’agissons pas dès maintenant, c’est tout un pan de notre identité et de notre vitalité culturelle qui risque de s’effacer, emportant avec lui le dynamisme qui a toujours fait battre le cœur de notre culture.
Josyane Boulos
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Yesterday, while celebrating the 150th anniversary of the Bibliothèque Orientale, I was struck by the average age of the attendees—a passionate crowd, but aging. This led me to reflect on the cultural scene in Lebanon. Because let’s face it: our cultural landscape, once buzzing with young voices and inspiring figures, now seems largely carried by a generation that is advancing in age, still vibrant but often without an apparent succession. The concern is clear: who will take up the mantle to preserve and renew this cultural heritage and give today’s youth a voice in a field that so desperately needs fresh blood?
One could say it’s just a matter of time, but the reality is evident: we need to encourage, train, and inspire this new generation so they feel legitimate and necessary in this field. Without new talent, how can our cultural heritage adapt to today’s realities? Young people are often caught between a desire to get involved and a lack of access to training, creative spaces, and, most crucially, resources. So, why not envision accessible workshops or residency programs where they can train and experiment under the guidance of more established artists, Lebanese or foreign? This could be a first step toward breaking down barriers and making the cultural world more welcoming and inclusive.
Alongside this, we need to invest in schools, raising awareness from a young age so that culture becomes a passion, not just a pastime for the elite. Why not collaborate with schools to organize visits, artist meet-and-greets, and interactive workshops? Culture should be woven into everyday life, a familiar ground, not a field reserved for special occasions or a select few enthusiasts.
Another essential idea, in my view, would be to give young people a real voice in cultural decision-making. Why not include them on boards of directors or in programming committees? This way, they would have the chance to express their visions and gain an insider’s understanding of how the field works. For them, it would be a way to feel genuinely involved, actively contributing to Lebanon’s cultural influence.
Finally, perhaps we should break free from official structures and encourage independent initiatives. Young people need places where they can gather, create, and experiment freely—artistic collectives, alternative spaces where they can express themselves without the formal constraints of traditional cultural institutions. Supporting these initiatives and giving them a space to exist could foster an alternative scene, fresh and innovative.
Whether online or in physical spaces, these initiatives are the fertile ground for a cultural revival that is essential, especially in this time of crisis. But we cannot wait for youth to act alone; our generation must also make room, open doors, and show that this field has much to gain from welcoming new perspectives, sensitivities, and imaginations.
Revitalizing Lebanon’s cultural scene will not happen without collective effort and a shared vision of a cultural future where each generation has its place, role, and voice. It’s a challenge, but if we don’t act now, we risk losing a vital part of our identity and cultural vitality, taking with it the dynamism that has always been the beating heart of our culture.
Josyane Boulos
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