jeudi 10 octobre 2024

Journal de Guerre 10-10-24

 

(AI english translation below) 

10-10-24 

Israel vient de bombarder le coeur de Beyrouth. Basta et Ras el Nabeh. A deux minutes du théâtre Monnot. Mon lieu de travail. Un quartier très peuplé. Il semble qu'un immeuble entier s'est effondré. Sans un ordre d'évacuation préalable de Avichay Adraee.  Je pense avoir compris leur stratégie : Quand il y a un ordre, ils bombardent un dépôt de munitions. Quand ils ne le font pas, ils ciblent quelqu'un de précis. 

Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de me demander : combien de temps cette guerre va-t-elle encore durer ?  Certains disent quelques mois, d'autres parlent de plusieurs années. Une guerre civile ? Je n’y crois pas vraiment. Les Libanais n’en ont ni l’envie, ni l’énergie. Pourtant, l’ambiance est tendue, et cette tension prolongée pourrait bien dégénérer... Il faut rester tellement vigilant. Travailler pour rester unis. Oublier les haines pour se rapprocher de l'autre.  Je pense souvent à ce qu’il faudrait faire pour éviter ça. Peut-être qu’il est temps de reconnaître que personne n’a gagné dans nos guerres passées. On est tous perdants. Il nous faut un nouveau départ, un vrai, avec un système politique fonctionnel et un État digne de ce nom. Mais en parler est tellement plus simple que de le réaliser.

Et Israël ? C’est étrange, malgré toutes les violations du droit international, personne ne semble réagir. Je me dis que l’Europe est encore marquée par la Shoah et que, pour l’Occident, Israël reste un allié indispensable dans cette région instable. En plus, ils ont créé des réseaux d’influence tellement forts qu’ils sont intouchables. Il y avait sur Facebook il y deux jours l'image d'un graffiti à Berlin qui disait " Arrêtez de faire porter à la Palestine, la culpabilité de l'Allemagne." 

Au Liban, c’est la confusion. On évoque les résolutions 1701 et 1559, mais c’est loin d’être suffisant. Notre classe politique est complètement dépassée par tout ça, consciente de ses limites. La présidentielle est toujours bloquée, et même avec la pression des États-Unis, j’ai du mal à voir comment ça va se débloquer.

Les pays arabes, eux, restent silencieux. Ça ne m’étonne pas vraiment. Tant qu’Israël s’en prend principalement au Hezbollah, ils ne bougeront pas. Le Hezbollah, d’ailleurs, a modifié son discours, il ne lie plus la fin des combats au Liban à ce qui se passe à Gaza, mais honnêtement, ça ne change rien pour le moment. 

Tout repose sur Israël?  Est-ce eux uniquement qui décideront quand cette guerre prendra fin? Tant que le Hezbollah ne désarme pas, ils ne lâcheront rien. La « Résistance » à Israël reste un symbole fort pour la communauté chiite, mais je me demande si cette vision survivra à cette guerre. Si le Liban survivra à cette guerre. Si ma santé mentale survivra à cette guerre. 

Pour l’instant, je n’ai aucun signe que cela se terminera bientôt. Israël est déterminé à affaiblir le Hezbollah, avec l’appui des États-Unis, tandis que l’Iran ne semble pas prêt à perdre cette carte stratégique.

Et le drone lui continue sa promenade sur nos têtes. Le jour ou il va s'éteindre pour de bon, on va subir un grand vide sonore. 

Josyane Boulos. 


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10-10-24

Israel has just bombed the heart of Beirut. Basta and Ras el Nabeh. Two minutes from Théâtre Monnot—my workplace. A densely populated neighborhood. It seems an entire building has collapsed. And this, without a prior evacuation order from Avichay Adraee. I think I’ve understood their strategy: When there's an order, they bomb a weapons depot. When they don’t, they’re targeting a specific individual.

Today, I can’t help but wonder: how much longer will this war last? Some say a few months, others talk of years. A civil war? I don’t really believe it. The Lebanese have neither the will nor the energy for that. Yet, the atmosphere is tense, and these prolonged tensions could very well escalate... We have to stay vigilant, work towards unity, and forget the hatred to come closer to one another. I often think about what we could do to prevent this. Maybe it’s time to acknowledge that no one has won in our past wars. We’re all losers. We need a fresh start, a real one, with a functioning political system and a state worthy of the name. But talking about it is so much easier than actually doing it.

And Israel? It’s strange. Despite all the violations of international law, no one seems to react. I think Europe is still haunted by the trauma of the Holocaust, and for the West, Israel remains an indispensable ally in this unstable region. Plus, they’ve built such strong influence networks that they’re untouchable. Two days ago, there was an image on Facebook of a graffiti in Berlin that said, "Stop making Palestine pay for Germany's guilt."

In Lebanon, it’s confusion. We talk about the implementation of Resolutions 1701 and 1559, but it’s far from enough. Our political class is completely overwhelmed, aware of its limitations. The presidential election remains blocked, and even with U.S. pressure, I struggle to see how we’ll get out of this stalemate.

The Arab countries? Silent. I’m not surprised. As long as Israel’s main target is Hezbollah, they won’t intervene. Hezbollah, by the way, has adjusted its discourse, no longer linking a ceasefire in Lebanon to the end of the fighting in Gaza. But honestly, that doesn’t change much for now.

Is everything up to Israel? Are they the only ones who will decide when this war ends? As long as Hezbollah doesn’t disarm, Israel won’t back down. The “Resistance” against Israel remains a powerful symbol for the Shiite community, but I wonder if this vision will survive the war. If Lebanon will survive the war. If my mental health will survive the war.

For now, I see no signs that this will end soon. Israel is determined to weaken Hezbollah, with the backing of the U.S., while Iran doesn’t seem ready to give up such a strategic card.

And the drone continues its stroll over our heads. The day it finally stops for good, we’ll be left with a great, empty silence.

Josyane Boulos.


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