jeudi 12 décembre 2024

Cinq Jours pour Briller



English Version Below 

Depuis toujours, le théâtre est pour moi un outil puissant de transformation, une fenêtre ouverte sur d’autres perspectives. Aujourd’hui, j’ai l’immense fierté de partager avec vous un projet qui me tient à cœur et que j’ai porté depuis sa conception : Cinq Jours pour Briller : Atelier de Théâtre Inclusif pour Jeunes Adultes. Ce projet unique verra le jour cet hiver au Théâtre Monnot, un espace qui a toujours incarné l’idée d’un dialogue entre les différences.

Fruit d’un financement du Programme américain IVLP, ce projet s’adresse à quinze jeunes Libanais en situation de handicap cognitif. Mais au-delà des chiffres, c’est une initiative humaine et artistique qui vise à leur offrir une tribune où s’exprimer pleinement, où découvrir leur potentiel, et surtout, où être vus et entendus autrement.

Cinq Jours pour Briller repose sur une vision claire : celle de l’inclusion par l’art. À travers des ateliers menés par moi-même et visités par des professionnels du théâtre, ces jeunes participeront à des activités variées comme l’improvisation, le chant, la danse et l’étude de scènes. Chaque moment de ces cinq jours est pensé pour leur permettre d’explorer leurs émotions, de renforcer leur confiance et de développer des compétences essentielles à leur épanouissement social.

Mais ce projet ne s’arrête pas à la scène. En parallèle des ateliers, ce blog documentera leur parcours, offrant un écho à leurs voix et une vitrine à leur talent. Ce journal ne sera pas qu’un témoignage ; il deviendra un outil pour sensibiliser un public plus large à l’importance de l’inclusion.

Des objectifs ancrés dans le réel

  1. Redonner confiance à travers le théâtre Cet atelier créera un environnement sécurisé et stimulant, où chaque participant pourra développer sa créativité et ses capacités de communication.
  2. Sensibiliser à l’inclusion En mettant ces jeunes au cœur de l’histoire, le projet bouscule les préjugés et ouvre la voie à une société plus inclusive.
  3. Renforcer les liens sociaux Grâce à cette expérience immersive, les participants apprendront à construire des relations avec leurs familles et leur entourage, facilitant ainsi leur intégration dans différents milieux.

Un projet qui me ressemble

Cinq Jours pour Briller est bien plus qu’un atelier. C’est une prolongation de mes convictions et de mon engagement envers une culture qui inclut, valorise et célèbre chaque individu. Si ce projet peut inspirer, toucher, et, pourquoi pas, changer des perceptions, alors il aura atteint son but.

En Janvier, lorsque ces jeunes monteront sur scène et illumineront le théâtre de leur énergie et de leur authenticité, j’espère que vous serez nombreux à être présents pour applaudir et soutenir cette belle aventure humaine.

À très vite au Théâtre !

Josyane Boulos


Five Days to Shine

Theater has always been, for me, a powerful tool for transformation—a window into new perspectives. Today, I am immensely proud to share a project that is deeply personal and one I have nurtured from its inception: Five Days to Shine: Inclusive Theater Workshop for Young Adults. This unique initiative will take place this winter at Théâtre Monnot, a space that has always represented the idea of dialogue through diversity.

Funded by the U.S. IVLP program, this project is dedicated to fifteen young Lebanese adults with cognitive disabilities. But beyond the numbers, it is a profoundly human and artistic initiative, designed to offer them a platform to express themselves fully, discover their potential, and most importantly, be seen and heard in a different way.

Five Days to Shine is founded on a clear vision: inclusion through art. Through workshops led by me and visited by professional theater practitioners, these young individuals will participate in a variety of activities, including improvisation, singing, dancing, and scene study. Every moment of these five days is carefully crafted to help them explore their emotions, build self-confidence, and develop essential skills for social growth.

But this project extends beyond the stage. Alongside the workshops, this blog will document their journey, amplifying their voices and showcasing their talents. This journal will not just be a testimony; it will serve as a tool to raise broader awareness about the importance of inclusion.

Goals Grounded in Reality

  1. Restoring Confidence Through Theater
    The workshop will create a safe and inspiring environment where each participant can develop their creativity and communication skills.

  2. Raising Awareness About Inclusion
    By placing these young individuals at the heart of the story, the project challenges stereotypes and opens the door to a more inclusive society.

  3. Strengthening Social Bonds
    Through this immersive experience, participants will learn to build relationships with their families and communities, making it easier for them to integrate into various environments.

A Project That Reflects Who I Am

Five Days to Shine is more than just a workshop. It is an extension of my beliefs and my commitment to a culture that includes, values, and celebrates every individual. If this project can inspire, touch hearts, and perhaps even change perceptions, then it will have achieved its purpose.

This January, when these young individuals take the stage and light up the theater with their energy and authenticity, I hope many of you will be there to applaud and support this beautiful human adventure.

See you soon at the Théâtre!

Josyane Boulos

samedi 9 novembre 2024

Le Drone de Mierda - Journal de Guerre 09 - 11 - 2024

 



(AI English translation below) 

 À Beyrouth, notre ciel a son VVIP : le drone MK israélien ! Toujours fidèle au poste, vrombissant sans arrêt - à croire il se promène au-dessus de nos têtes comme un voisin hypercurieux. Ici, on n’a pas résisté à lui donner des petits surnoms bien de chez nous : Em Kamel, Vroom Vroom, John Le Drone, et pour les plus inspirés, « Yel3an Abouk. » 

 Je l’imagine s’invitant carrément dans nos cuisines. Il plane, sarcastique, et semble nous susurrer : « J’ai déjà volé la recette du Hommos, c’est au tour de la Arnabieh. Hahaha» Sors de ma cuisine connard ! Ma facharet. 

 À l’approche de Noël, il pourrait se prendre le Père Noël, faire une entorse à la Hanukkah ! Il prend des notes sur qui a fait la vaisselle, qui a ignoré l’appel de sa grand-mère, qui a osé piquer la dernière part de gâteau, et surtout qui a trompé qui avec qui... « I know What You did Last Summer ! » C’est qu’il connaît toutes nos bêtises, ce drone ! Il surveille comme une nounou invisible, prêt à dénoncer quiconque. « Just checking who’s naughty who’s nice, Le P’tit Drone is coming to town ! » Lek Ya Drone de Mierda (le surnom que je lui donne!) essaye au mois de m’aider ! Où est le couvercle du Tupperware disparu depuis des mois ? et cette chaussette célibataire qui jouait à cache-cache ? Je suis certaine que j’ai mis la paire entière dans la machine à laver. Ya drone de mierda garde un œil sur mes mystères domestiques. Sérieusement, un petit rapport hebdomadaire ne serait pas de refus, histoire d’en finir avec ces quêtes sans fin pour les clés égarées, les cuillères fantômes, le téléphone qui disparait juste au moment de sortir, dis-moi que mes lunettes sont sur ma tête alors que j’ai cherché partout… C’est mieux non que de planifier de tuer des êtres humains ? 

 Ce drone de mierda, c’est un peu le colocataire indésirable, ou la belle-mère venue pour trois jours et installée depuis cinq semaines. Et qui sait, peut-être qu’un jour il descendra, nous lâchant quelques conseils de rangement ou, avec ce ton faussement bienveillant : « Tiens, tu as oublié d’acheter du lait. » Tiens, je vais plutôt mettre du lait dans ton moteur histoire que tu nous foutes la paix 

 Imaginez ! Il pourrait bien se mêler de nos rendez-vous amoureux : « Sérieux, ce parfum ? Tu sais qu’il est déjà en retard de vingt minutes ? » Ou bien nous rappeler qu’on a négligé les poubelles : « Ça commence à sentir au troisième étage, on fait quoi ? » Ou pire… Qu’il prenne en main nos régimes ! Il s’immisce au-dessus de nos assiettes pour commenter d’un ton sec : « Ce deuxième burger, est-ce vraiment nécessaire ? » ... Tiens à coup sûr je maigrirais rien que pour me débarrasser de lui et son bourdonnement insupportable! 

 Dans la foulée, il pourrait se reconvertir en coach de vie, façon motivational speaker à deux sous : « Et si tu te remettais au sport ? Ça fait trois heures que je te vois collée au canapé. » Ou pourquoi pas en conseiller déco : « Ce mur beige, sérieusement ? Et si on mettait un peu de couleur dans cette vie ? » 

Franchement, avec le temps, on finirait presque par croire qu’il pourrait nous rendre service. Peut-être qu’un jour on l’entendra, d’un ton faussement bienveillant : « Allez, il est temps d’appeler ta mère, elle a laissé trois missed call. 

Josyane Boulos 

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In Beirut, our sky has its VVIP: the Israeli MK drone! Always on duty, it hovers over us like an ultra-nosy neighbor. Here, we couldn't resist giving it a few homegrown nicknames: Em Kamel, Vroom Vroom, John the Drone, and for the extra creative, “Yel3an Abouk.” I can just imagine it inviting itself into our kitchens. It hovers, sarcastic, whispering, “I’ve already stolen the hummus recipe, now it’s time for the Arnabieh. Hahaha.” Get out of my kitchen, you jerk! Not today.

As Christmas approaches, it could easily play Santa, take a little break from Hanukkah! It keeps tabs on who’s done the dishes, who ignored their grandmother’s call, who snagged the last piece of cake, and of course, who’s cheated on who… “I know what you did last summer!” This drone knows all our antics! It watches over us like some invisible nanny, ready to report anyone’s wrongdoings. “Just checking who’s naughty and who’s nice, Le P’tit Drone is coming to town!”

Hey, Ya Drone de Mierda (my own nickname for it), at least try to help me out! Where’s the lid to my Tupperware that’s been missing for months? And that single sock that’s playing hide-and-seek? I’m sure I put both of them in the washing machine. This *drone de mierda* could at least keep an eye on my domestic mysteries. Seriously, a weekly report wouldn’t hurt, just to put an end to these endless hunts for missing keys, phantom spoons, the phone that vanishes right when I’m heading out, or tell me my glasses are on my head while I’ve been searching everywhere... Isn’t that better than planning to kill people?

This *drone de mierda* is like the unwanted roommate or the mother-in-law who came for three days and has now been here five weeks. And who knows, maybe one day it’ll descend, dropping us some organizing tips or, in that same fake helpful tone: “By the way, you forgot to buy milk.” Fine, I’ll put milk in your engine so you’ll finally leave us alone.

Imagine! It might even meddle in our love lives: “Seriously, that perfume? Your date is already twenty minutes late, you know.” Or remind us we forgot to take out the trash: “It’s starting to smell up to the third floor, so what’s the plan?”

Or worse… it could start controlling our diets! Hovering over our plates to comment in a dry tone, “That second burger, is it really necessary?” … Honestly, I might lose weight just to get rid of him and his unbearable buzzing!

In the meantime, it could reinvent itself as a life coach, like a bargain-basement motivational speaker: “How about you get back to the gym? I’ve been watching you glued to that couch for three hours.” Or maybe as a home décor advisor: “This beige wall, seriously? How about we add a bit of color to your life?”

Honestly, over time, we’d almost start thinking it could be helpful. Maybe one day, we’ll hear it in that mockingly gentle voice: “Come on, it’s time to call your mom, she left three missed calls.”

Josyane Boulos 

jeudi 7 novembre 2024

Journal de Guerre 7 novembre 2024


Un village entièrement rasé au Liban Sud 

Lorsque l’armée israélienne a totalement rasé 29 villages du Sud Liban, c’est plus qu’un simple territoire qui s’est effondré sous les bombes. Au Sud Liban quarante mille foyers réduits à néant, comme si les murs et les toits n’étaient rien de plus que de la poussière à disperser au gré des vents de guerre. Ce sont les champs d’oliviers, ces arbres anciens qui portent la mémoire des familles et des générations, qui ont été ravagés. Le Sud porte sa fierté dans ces oliviers, ces racines profondes, et les voir brûler est une blessure que les mots peinent à contenir. Je pense à ces habitants qui, pour sauver leurs vies, ont dû abandonner tout ce qu’ils avaient bâti. Ils fuient, sans rien pouvoir emporter, comme des bêtes traquées par le feu, avec l’espoir à peine suspendu à leurs cœurs de retrouver un jour leurs terres et leurs souvenirs intacts. Ce déchirement va bien au-delà des pertes matérielles : c’est le saccage d’un monde, d’une culture, de chaque instant passé à bâtir, à aimer, à cultiver ces terres. Et pendant ce temps, le silence du monde retentit comme un second acte de violence. Les États occidentaux continuent, comme par automatisme ou par choix, à fournir des aides et des armes au gouvernement extrémiste et impitoyable de Netanyahu, ne voyant pas les vies qu’ils déchirent, ne mesurant pas les souvenirs et les espérances qu’ils piétinent. Ce silence est un cri étouffé. Pour ceux qui ont tout perdu, pour ceux qui se relèveront peut-être un jour sur ces ruines, l'injustice est vive, douloureuse. Et moi, je me demande combien de voix il faudra, combien de larmes, combien de vies pour que le monde ouvre enfin les yeux et mette un terme à ce cycle insupportable d'oppression et de destruction.

 Josyane Boulos 


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 When the Israeli army completely wiped out 29 villages in southern Lebanon, it was more than just land reduced to rubble under bombs. In southern Lebanon, forty thousand homes were destroyed, as if walls and roofs were nothing more than dust scattered by the winds of war. These olive groves, these ancient trees that carry the memory of families and generations, were devastated. The South takes pride in these olive trees, their deep roots, and watching them burn is a wound that words can barely contain. I think of those residents who, to save their lives, had to abandon everything they had built. They fled, unable to take anything, like animals driven from a fire, with hope barely clinging to their hearts that one day they might return to their lands and memories intact. This loss goes far beyond material destruction: it is the dismantling of a world, a culture, every moment spent building, loving, and cultivating these lands. And all the while, the world’s silence rings out like a second act of violence. Western states continue, seemingly by routine or choice, to provide aid and weapons to Netanyahu’s extreme and ruthless government, without seeing the lives they are shattering, without measuring the memories and hopes they trample. This silence is a stifled cry. For those who have lost everything, for those who may one day rebuild on these ruins, the injustice is raw and painful. And I wonder how many voices it will take, how many tears, how many lives, before the world finally opens its eyes and puts an end to this unbearable cycle of oppression and destruction. — Josyane Boulos

mardi 5 novembre 2024

Interview en temps de Guerre - Ici Beyrouth

 





Théâtre Le Monnot: une force de proposition en temps incertains



Le théâtre Le Monnot a récemment réuni les acteurs culturels du Liban pour une série de rencontres en pleine période d’instabilité et de crise. L'objectif: trouver des solutions et nourrir des idées pour renforcer le secteur culturel. Josyane Boulos, directrice du théâtre, a partagé avec Ici Beyrouth la vision qui s’est dessinée à l’issue de ces échanges.

Sous la direction de Josyane Boulos, acteurs, metteurs en scène et créateurs se sont réunis au théâtre Le Monnot pour entamer une série de rencontres réflexives sur l’avenir culturel du pays et explorer des pistes d’actions concrètes. Ces échanges ont offert un espace de soutien, d’écoute et de partage pour la communauté artistique et le public du théâtre. Josyane Boulos y a évoqué les premières réflexions et pistes de solutions.

Comment est née l’idée de cette rencontre? 

En ces temps d’incertitude, ces discussions sont indispensables pour préserver et renforcer notre secteur. Le théâtre au Liban, face aux multiples crises, a besoin d'espaces de réflexion et de solidarité pour maintenir sa résilience. Nous avons partagé des idées pour faire en sorte que notre travail reste pertinent et adapté aux besoins de notre communauté.

Pensez-vous que cette initiative puisse s’inscrire dans la durée? 

Le contexte reste difficile, et l'incertitude perdurera. Cependant, nous sommes résolus à poursuivre cette dynamique, en créant des programmes, des ateliers et des productions qui inspirent, apportent espoir et renforcent la cohésion de notre communauté.

Qui a participé à cette première rencontre?

Quatre rencontres ont été organisées, rassemblant près de 60 participants: l’équipe du théâtre Le Monnot, des acteurs, metteurs en scène, et divers créateurs engagés dans la scène culturelle locale. Chaque participant a apporté une perspective unique sur les défis actuels et les moyens d’envisager l’avenir.

Quelles conclusions en tirez-vous?

L’adaptabilité et la créativité sont nos atouts majeurs. Ces discussions ont débouché sur des pistes pour élaborer des spectacles et des programmes en adéquation avec le contexte local, tout en attirant un public diversifié. Il est maintenant temps de transformer ces réflexions en actions concrètes pour redynamiser notre secteur. Nous avons déjà lancé un sondage pour mieux cerner les attentes du public du théâtre et une campagne en ligne pour rappeler l'importance du théâtre en période de crise.

Quel avenir envisagez-vous pour le théâtre dans ces circonstances? 

Même dans l'adversité, nous restons optimistes quant au rôle du théâtre Le Monnot. Nous aspirons à en faire un pilier de transformation et d'inspiration. Le théâtre peut devenir un lieu où les voix de la société résonnent, où des conversations essentielles prennent vie, et où le public trouve un refuge d’espoir et de résilience.



Interview en Temps de Guerre - Orient Le Jour

 



Programmes novateurs, ateliers...au théâtre Monnot, du sur-mesure pour museler la guerre

Sous la houlette de sa directrice Josyane Boulos, l’institution théâtrale a abrité une série de réunions visant à créer des activités à budget réduit pour répondre à la situation que le pays traverse.

vendredi 1 novembre 2024

Journal de Guerre 01 novembre 2024

(AI english translation below) 


Hier, en célébrant les 150 ans de la Bibliothèque Orientale, j'ai été frappée par la moyenne d’âge des invités, un public passionné, mais vieillissant. Cela m'a menée à cette réflexion sur le monde culturel au Liban. Parce qu’il faut bien le dire : notre scène culturelle, qui jadis fourmillait de jeunes voix et de figures inspirantes, semble aujourd’hui portée par une génération qui avance en âge, encore vibrante, mais souvent sans relève apparente. Le souci est clair : qui prendra le relais pour préserver et renouveler cet héritage culturel et offrir aux jeunes d'aujourd'hui une voix dans ce domaine qui, pourtant, a besoin de sang neuf ? 

 On pourrait se dire que c'est juste une question de temps, mais le constat est là : il faut encourager, former et inspirer cette jeunesse pour qu’elle se sente légitime et nécessaire dans ce secteur. Et puis, sans ces nouveaux talents, comment ce patrimoine culturel pourra-t-il s’adapter aux réalités actuelles ? Les jeunes sont souvent écartelés entre l’envie de s’impliquer et le manque d’accès aux formations, aux espaces de création, et surtout aux ressources. Alors, pourquoi ne pas imaginer des ateliers ou des résidences accessibles où ils pourraient se former et expérimenter sous la houlette d’artistes plus établis, libanais ou étrangers ? Cela pourrait être un premier pas pour casser les barrières et rendre ce monde plus accueillant et inclusif. 

 En parallèle, il faudrait investir les écoles, sensibiliser dès le plus jeune âge pour que la culture devienne une passion, pas juste un passe-temps d’élite. Pourquoi ne pas collaborer avec les établissements scolaires pour organiser des visites, des rencontres avec des artistes, des ateliers interactifs ? La culture devrait être ancrée dans le quotidien, un terrain familier, et non pas un domaine réservé aux grandes occasions ou à une poignée de passionnés. Une autre idée, qui me semble fondamentale, serait de permettre aux jeunes d’avoir une voix réelle dans les décisions culturelles. Pourquoi ne pas intégrer des jeunes dans les conseils de direction ou de programmation ? Ils auraient ainsi la chance d’exprimer leurs visions et de comprendre de l’intérieur les rouages de ce milieu. Et pour eux, ce serait un moyen de se sentir légitimement impliqués, de participer activement au rayonnement culturel du Liban.


 Enfin, il faudrait peut-être sortir des cadres officiels et encourager les initiatives indépendantes. Les jeunes ont besoin de lieux où ils peuvent se retrouver, créer, expérimenter en toute liberté, des collectifs artistiques, des espaces alternatifs où ils seraient libres de s'exprimer sans les contraintes formelles des institutions culturelles traditionnelles. En soutenant ces initiatives et en leur offrant un espace pour exister, on pourrait voir éclore une scène alternative, fraîche et innovante. 

 Ces initiatives, qu’elles soient en ligne ou dans des lieux physiques, sont le terreau d’un renouveau culturel qui est essentiel, surtout en cette période de crise. Mais il ne suffit pas d’attendre que cela vienne de la jeunesse seule ; il revient aussi à notre génération de faire de la place, d’ouvrir des portes, et de montrer que ce domaine a tout à gagner en accueillant de nouvelles perspectives, des sensibilités et des imaginaires multiples. La revitalisation de la scène culturelle libanaise ne se fera pas sans efforts concertés et sans cette vision collective d’un avenir culturel où chaque génération a sa place, son rôle et sa voix. C’est un défi, mais si nous n’agissons pas dès maintenant, c’est tout un pan de notre identité et de notre vitalité culturelle qui risque de s’effacer, emportant avec lui le dynamisme qui a toujours fait battre le cœur de notre culture. 


 Josyane Boulos 

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Yesterday, while celebrating the 150th anniversary of the Bibliothèque Orientale, I was struck by the average age of the attendees—a passionate crowd, but aging. This led me to reflect on the cultural scene in Lebanon. Because let’s face it: our cultural landscape, once buzzing with young voices and inspiring figures, now seems largely carried by a generation that is advancing in age, still vibrant but often without an apparent succession. The concern is clear: who will take up the mantle to preserve and renew this cultural heritage and give today’s youth a voice in a field that so desperately needs fresh blood? 

 One could say it’s just a matter of time, but the reality is evident: we need to encourage, train, and inspire this new generation so they feel legitimate and necessary in this field. Without new talent, how can our cultural heritage adapt to today’s realities? Young people are often caught between a desire to get involved and a lack of access to training, creative spaces, and, most crucially, resources. So, why not envision accessible workshops or residency programs where they can train and experiment under the guidance of more established artists, Lebanese or foreign? This could be a first step toward breaking down barriers and making the cultural world more welcoming and inclusive. 

 Alongside this, we need to invest in schools, raising awareness from a young age so that culture becomes a passion, not just a pastime for the elite. Why not collaborate with schools to organize visits, artist meet-and-greets, and interactive workshops? Culture should be woven into everyday life, a familiar ground, not a field reserved for special occasions or a select few enthusiasts. 

 Another essential idea, in my view, would be to give young people a real voice in cultural decision-making. Why not include them on boards of directors or in programming committees? This way, they would have the chance to express their visions and gain an insider’s understanding of how the field works. For them, it would be a way to feel genuinely involved, actively contributing to Lebanon’s cultural influence. 

 Finally, perhaps we should break free from official structures and encourage independent initiatives. Young people need places where they can gather, create, and experiment freely—artistic collectives, alternative spaces where they can express themselves without the formal constraints of traditional cultural institutions. Supporting these initiatives and giving them a space to exist could foster an alternative scene, fresh and innovative. 

 Whether online or in physical spaces, these initiatives are the fertile ground for a cultural revival that is essential, especially in this time of crisis. But we cannot wait for youth to act alone; our generation must also make room, open doors, and show that this field has much to gain from welcoming new perspectives, sensitivities, and imaginations. Revitalizing Lebanon’s cultural scene will not happen without collective effort and a shared vision of a cultural future where each generation has its place, role, and voice. It’s a challenge, but if we don’t act now, we risk losing a vital part of our identity and cultural vitality, taking with it the dynamism that has always been the beating heart of our culture.

Josyane Boulos 

jeudi 31 octobre 2024

Journal de Guerre 31 octobre 2024

 



(AI english translation below)

Des voitures visées en plein sur une autoroute, des immeubles qui s’effondrent à distance sans toucher le bâtiment d’à côté, un drone de surveillance omniprésent dans le ciel du Liban… Ces derniers mois, la guerre menée par Israël contre le Liban a pris un tournant glacial, un tournant technologique qui en rend la brutalité encore plus frappante. Ces drones, contrôlés de loin, frappent des zones civiles et militaires sans qu’un seul soldat ne soit sur le terrain. Derrière ces machines, on imagine de jeunes soldats, pour qui la guerre se déroule désormais comme un jeu vidéo, à distance, avec une étrange protection face aux répercussions humaines de leurs actes. Ça me fait réfléchir… Que reste-t-il de l’empathie ou du discernement quand la violence devient aussi « facile » et détachée ?

Les jeux vidéo violents, réalistes, pourraient-ils transformer notre rapport à la souffrance et à la violence ? Ne risquent-ils pas de rendre banale la douleur des autres, brouillant nos repères entre le bien et le mal ? 

Les images de violence sont partout dans ces jeux ; elles deviennent familières, presque banales. Gagner, souvent par la force, renforce vite l’idée que la violence est une manière normale d’obtenir ce que l’on veut. À force, ce geste devient presque automatique, détaché de la réalité et de ses conséquences humaines. Des études montrent que l’exposition à ces images peut atténuer la réaction émotionnelle face à la vraie violence. Au lieu du choc ou de la compassion, c’est l’habitude qui prend le dessus, comme si une partie de notre sensibilité s’érodait.

Un autre point qui m’inquiète, c’est cette désensibilisation face à la souffrance des autres. Dans ces mondes virtuels, les personnages blessés ou tués sont remplacés aussitôt, sans émotion ni réaction du joueur. La douleur des autres devient secondaire, presque invisible. Et quand la souffrance humaine devient juste un « mécanisme de jeu », comment croire que cela n’aura aucune répercussion sur la façon dont ces jeunes réagiront à la souffrance dans le monde réel ?

Il y a aussi la question de la déshumanisation. Dans certains jeux, les adversaires ne sont que des cibles à abattre, sans aucune humanité. À force de voir et de reproduire ce schéma, on peut craindre que cette vision se transfère, même inconsciemment, dans la vie réelle, surtout vis-à-vis de ceux qui semblent différents. Cela pourrait influencer profondément la manière dont ces jeunes voient les autres, les réduisant à des « ennemis » plutôt qu’à des personnes.

Ces jeux présentent souvent des situations moralement floues, où les héros sont des anti-héros, des personnages à la morale douteuse qui sont récompensés pour des actes de vengeance ou d’égoïsme. Cette confusion peut rendre difficile la construction d’une éthique claire. Sans un contrepoids venant de la famille ou de l’éducation, ces jeunes risquent de faire leur chemin avec une morale qui valorise la force et la revanche, au détriment de valeurs plus humaines.

Alors oui, je pense qu’il est crucial que les parents, les enseignants, et même les créateurs de jeux soient conscients de cette influence. Il faut qu’on aide les jeunes à naviguer dans ces mondes virtuels tout en restant connectés aux valeurs humaines. Mettre en place un cadre critique pour comprendre ces univers numériques pourrait, je l’espère, préserver leur capacité de discernement et d’empathie.


Josyane Boulos 


Cars targeted directly on the highway, buildings collapsing from a distance without touching the neighboring structures, a surveillance drone omnipresent in Lebanon’s sky… In recent months, the war waged by Israel against Lebanon has taken a chilling turn, a technological turn that makes its brutality even more striking. These drones, remotely controlled, strike both civilian and military areas without a single soldier on the ground. Behind these machines, one imagines young soldiers, for whom war now unfolds like a video game, at a distance, with an unsettling protection from the human repercussions of their actions. It makes me wonder… What remains of empathy or judgment when violence becomes so "easy" and detached?


Can violent, realistic video games transform our relationship to suffering and violence? Could they risk trivializing the pain of others, blurring our understanding of right and wrong?


Violent images are everywhere in these games; they become familiar, almost ordinary. Winning, often through force, quickly reinforces the idea that violence is a normal way to get what you want. Over time, this gesture becomes nearly automatic, detached from reality and its human consequences. Studies show that exposure to these images can dull emotional responses to real violence. Instead of shock or compassion, habit takes over, as if a part of our sensitivity is being eroded.


Another point that worries me is this desensitization to the suffering of others. In these virtual worlds, injured or killed characters are replaced instantly, without emotion or reaction from the player. The pain of others becomes secondary, almost invisible. And when human suffering is just a "game mechanism," how can we believe it will have no effect on how these young people react to suffering in the real world?


Then there’s the question of dehumanization. In certain games, opponents are merely targets to be eliminated, devoid of any humanity. Constant exposure to this pattern might, even subconsciously, transfer into real life, especially toward those perceived as different. This could profoundly shape how these young people view others, reducing them to "enemies" rather than people.


These games often present morally ambiguous situations, where heroes are anti-heroes, characters with questionable morals rewarded for acts of vengeance or selfishness. This ambiguity can complicate the formation of a clear ethical compass. Without a counterbalance from family or education, these young people risk navigating life with a morality that values strength and revenge over more humane virtues.


So yes, I believe it’s crucial for parents, educators, and even game creators to be aware of this influence. We must help young people navigate these virtual worlds while staying grounded in human values. Establishing a critical framework for understanding these digital universes could, I hope, preserve their capacity for empathy and discernment.


Josyane Boulos

dimanche 27 octobre 2024

Journal de guerre 27 octobre 2024

Photo Elie Bekhazi 



(AI English translation below) 

Vivre ici, au Liban, c’est comme avancer dans un tunnel interminable, un tunnel où l’obscurité semble dominer. Chaque jour apporte son lot de défis : obtenir un peu d’électricité, de l’eau, trouver un hôpital qui fonctionne, une école qui accueille encore. Les ressources sont devenues des trésors aussi rares que précieux. Mais même au cœur de ces difficultés, il y a quelque chose de plus fort, quelque chose qui nous garde debout.

La situation des déplacés ici est encore plus complexe. Ils ont quitté leur foyer en quête d’une paix fragile, d’une stabilité précaire. Malgré des conditions de vie indignes, ils avancent, jour après jour. Et dans ce quotidien fait de sacrifices, on voit surgir de petits élans de courage, des gestes de solidarité, des sourires, des liens tissés dans l’adversité. Eux aussi trouvent la force de continuer, d’espérer en un lendemain qui sera, peut-être, plus clément.



Quant à l’avenir, il est vrai qu’il semble flou. Mais il y a, malgré tout, cette étincelle d’espoir, cette envie d’aller plus loin, de reconstruire ce qui a été perdu. Ce n’est pas facile, et parfois il suffit de très peu pour éroder cet espoir. Mais il suffit aussi d’un seul instant de solidarité, d’une main tendue, d’un rire partagé pour raviver cette flamme.


Et, même dans cette incertitude, il y a des choses que l’on ne perd pas : la chaleur humaine, cette rage de vivre, de se serrer les coudes, de reconstruire un avenir ensemble. Oui, ce pays nous met à l’épreuve, mais il nous apprend aussi chaque jour la résilience. Il nous forge et nous rappelle que, même dans les ténèbres, nous sommes capables de lumière, de force, et de vie.


Josyane Boulos 


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Living here in Lebanon feels like moving through an endless tunnel, a tunnel where darkness seems to prevail. Each day brings its share of challenges: finding a bit of electricity, water, a working hospital, a school still open. Resources have become treasures, as rare as they are precious. Yet even in the heart of these difficulties, there is something stronger, something that keeps us standing.


The situation for displaced people here is even more complex. They left their homes in search of fragile peace, of precarious stability. Despite harsh living conditions, they move forward, day by day. And in this daily life of sacrifice, small acts of courage emerge, gestures of solidarity, smiles, and bonds forged through adversity. They, too, find the strength to keep going, to hope for a tomorrow that might, perhaps, be gentler.


As for the future, it’s true that it feels unclear. Yet there remains, despite everything, a spark of hope, a desire to go further, to rebuild what has been lost. It’s not easy, and sometimes it takes very little to erode that hope. But a single moment of solidarity, an extended hand, a shared laugh, is enough to rekindle that flame.


And even in this uncertainty, there are things we don’t lose: human warmth, the fierce will to live, to support each other, to rebuild a future together. Yes, this country tests us, but it also teaches us resilience every day. It shapes us and reminds us that, even in the dark, we are capable of light, strength, and life.


Josyane Boulos 


jeudi 24 octobre 2024

Journal de Guerre 24-10-24


(AI translation in English below) 

La véritable horreur de l’existence, disait Camus, n’est pas la peur de la mort, mais celle de la vie. Et au Liban, cette peur prend une forme particulière, celle d’une vie marquée par une répétition incessante des mêmes souffrances, des mêmes crises, des mêmes promesses non tenues. La guerre, sous ses multiples visages, est devenue une compagne familière, si omniprésente qu’elle a infiltré nos matins comme nos nuits. 


On se réveille chaque jour, non pas dans l’effroi d’un danger immédiat, mais dans la lente agonie de l’attente. Attente de solutions qui n’arrivent jamais, attente d’un avenir qui ne se dessine pas, attente que quelque chose, n’importe quoi, vienne briser cette spirale de désespoir. Car la peur, ici, n’est pas tant celle d’une bombe ou d’un conflit armé—bien que cela soit une réalité pour nous tous—mais celle que rien ne change, que l’on soit condamné à revivre sans fin les mêmes cycles de violence et de corruption.


Ce qui rend cette situation encore plus terrifiante, c’est cette impression d’être piégé dans une boucle, comme si chaque révolution, chaque soulèvement, chaque élan d’espoir ne faisait que nous ramener à un point de départ encore plus désolé. La guerre au Liban n’est plus seulement une question de fusils ou de frontières disputées; c’est une guerre intérieure, une guerre contre l’indifférence, contre l’épuisement collectif, contre l’abandon de l’idée même d’un futur différent.


Pour ceux qui, comme moi, vivent cette répétition des jours, il y a un sentiment profond de lassitude. La lassitude d’entendre encore et encore les mêmes discours vides des dirigeants, de voir les mêmes visages défiler à la télévision pour expliquer pourquoi rien ne peut changer. On devient des automates, des corps qui se déplacent dans un décor en ruines, avec l’espoir ténu qu’une quelconque étincelle viendra peut-être ranimer la flamme. 


Camus avait raison, la vraie horreur, ce n’est pas la mort. Ici, la mort est presque devenue une délivrance pour certains face à la perspective d’une vie sans issue, sans répit, sans évasion. Mais dans cette horreur, il y a aussi un désir de rupture. Un désir de voir, enfin, quelque chose se produire pour briser ce cycle infernal. Nous voulons croire qu’il est encore possible de se réveiller un jour et de découvrir un pays qui ne sera plus figé dans ses souffrances passées, un pays où chaque jour ne sera plus une répétition du dernier.


Alors, on attend. Mais jusqu’à quand?


Josyane Boulos 


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The true horror of existence, said Camus, is not the fear of death but the fear of life. And in Lebanon, this fear takes on a particular form—the fear of a life marked by the endless repetition of the same suffering, the same crises, the same unfulfilled promises. War, in its many faces, has become a familiar companion, so omnipresent that it has infiltrated our mornings as much as our nights.


We wake up each day, not in the terror of immediate danger, but in the slow agony of waiting. Waiting for solutions that never come, waiting for a future that never takes shape, waiting for something, anything, to break this spiral of despair. Because here, the fear is not so much that of a bomb or an armed conflict—though that is a reality for all of us—but the fear that nothing will ever change, that we are condemned to endlessly relive the same cycles of violence and corruption.


What makes this situation even more terrifying is the sense of being trapped in a loop, as if every revolution, every uprising, every flicker of hope only brings us back to an even more desolate starting point. The war in Lebanon is no longer just about guns or contested borders; it’s an internal war, a war against indifference, against collective exhaustion, against the abandonment of even the idea of a different future.


For those of us living through this repetition of days, there is a deep feeling of weariness. The weariness of hearing the same empty speeches from leaders over and over again, of seeing the same faces parade across the television explaining why nothing can change. We become automatons, bodies moving through a ruined landscape, with the faint hope that some spark may yet reignite the flame.


Camus was right—the real horror is not death. Here, for some, death has almost become a relief in the face of a life with no escape, no respite, no way out. But within this horror, there is also a desire for rupture. A desire to finally see something happen that will break this infernal cycle. We want to believe that it is still possible to wake up one day and discover a country no longer frozen in its past suffering, a country where each day will no longer be a repetition of the last.


And so, we wait. But for how long?


Josyane Boulos 


samedi 19 octobre 2024

Journal de Guerre 19 octobre 2024



(AI English translation below) 

Je suis allongée paisiblement sur mon canapé, sur ce balcon que j’aime tant. C’est mon refuge, mon coin de sérénité où j’ai pris plaisir à aménager plantes et meubles. Le doux soleil d’automne m’enveloppe tandis que je dévore mon dixième livre depuis le début de la guerre totale le 23 septembre. Le chat, détendu, s’étire sur la table. Une scène idyllique … ne serait ce le bruit incessant d’un drone israélien, assourdissant. Ne serait-ce que ce matin, l’aviation israélienne a bombardé Sahel Alma. « Une première » disent-ils dans les journaux. Pour moi, une première, c’est l’ouverture d’un rideau, une standing ovation et du champagne pour fêter ça… pas un bombardement. 

 Ce cher AA, envoie un ordre d’évacuation d’un quartier de Haret Hreik. Ma fille Valerie (autiste de 33 ans) sort au balcon me demander si elle peut prendre un gâteau au chocolat. Elle prend le chat dans ses bras.

 Une très forte déflagration. Je sursaute. Mais surtout je garde mon sang froid. Surtout ne pas lui faire peur. Ne pas nourrir la peur de ma fille. Je regarde l’immeuble d’en face. Tout comme moi, mon voisin a simplement un regard vers le ciel et reprend la lecture sur son cellulaire. 

Valérie me demande et se répond : c’est quoi maman? Les voisins on claqué une porte? 

Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle crie du balcon : « He ho les voisins ne claquez pas la porte. » Son déni à elle. 

Puis-je lui reprocher de se protéger ? 

Je fais de même : « hé ho les voisins attention aux portes » puis je lui dis « bien sûr tu peux prendre un gâteau au chocolat ma chérie. » 

 Nos enfants n’ont pas à revivre nos horreurs … nos erreurs. Et je les maudis tous : le gouvernement israélien barbare, le Hezbollah qui nous entraîne dans une guerre que nous ne voulons pas, l’Iran qui mène ses batailles jusqu’au dernier Libanais, le monde qui regarde déshumanisé et silencieux, les gouvernements occidentaux qui continuent à fabriquer et à livrer des armes, nos dirigeants successifs qui depuis des décennies laissent faire, insouciants du bien-être de leur peuple et nous, ce peuple qui, à force de tolérer l’inadmissible, en a fait la norme, acceptant qu’un pays étranger décide de la paix ou de la guerre chez nous en criant bel rou7 bel dam nafdika … » remplacez les 3 points par le nom de votre Zaïm préféré. 

 Je regarde Valerie savourer son gâteau, le chat, sourd comme un pot, se rendort, mes plantes se balancent doucement, indifférentes. Me sentant inutile, impuissante, je reprends ma lecture sous ce soleil qui continue à briller, sur le nord, le sud, la Bekaa, sur Israel et sur Gaza.

Josyane Boulos 

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I'm peacefully lying on my couch on this balcony that I love so much. It’s my refuge, my corner of serenity where I’ve enjoyed arranging plants and furniture. The gentle autumn sun envelops me as I devour my tenth book since the total war began on September 23. The cat, equally relaxed, stretches out on the table. An idyllic scene… if it weren’t for the incessant, deafening noise of an Israeli drone. Just this morning, the Israeli air force bombed Sahel Alma. “A first,” they say in the newspapers. For me, a first is the opening of a curtain, a standing ovation, and champagne to celebrate… not a bombing.

Dear AA sends an evacuation order for a neighborhood in Haret Hreik. My daughter Valerie (Autistic) comes out onto the balcony to ask if she can have a chocolate cake. She picks up the cat in her arms. A loud explosion. I jump. But above all, I keep my composure. I must not scare her. I must not feed my daughter's fear. I look at the building across from me. Like me, my neighbor simply gazes at the sky and resumes reading on his cellphone. Valerie asks me and answers herself: “What is it, mom? Did the neighbors slam a door?” I don’t have time to respond before she shouts from the balcony: “Hey, neighbors, don’t slam the door.” Her own denial. Can I blame her for wanting to protect herself? I do the same: “Hey, neighbors, watch out for the doors,” then I tell her, “Of course, you can have a chocolate cake, my dear.”

Our children shouldn’t have to relive our horrors… our errors.

And I curse them all: the barbaric Israeli government, Hezbollah dragging us into a war we don’t want, Iran fighting its battles to the last Lebanese, the world looking on, dehumanized and silent, the Western governments that continue to manufacture and deliver weapons, our successive leaders who have been indifferent for decades to the well-being of their people, and us, this people that, by tolerating the unacceptable, has made it the norm, accepting that a foreign country decides on peace or war in our land while shouting “bel rou7 bel dam nafdika…” replace the three dots with the name of your favorite Zaïm.

I watch Valerie savor her cake, the cat, deaf as a stone, falls back asleep, my plants sway gently, indifferent. Feeling useless, powerless, I return to my reading under this sun that continues to shine, over the north, the south, the Bekaa, over Israel and Gaza.


mardi 15 octobre 2024

Journal de guerre 15-10-2024



(AI translation below) 

Donc si j’ai bien compris, nous crevons comme des rats pour que : 

  • Kamala ait plus de chances d'être élue, 
  • Bibi évite la prison 
  • et l’Iran renégocie avec les USA. 

Elle est pas belle la vie?

Il y a ces nuits où l’on ne s’endort pas, mais plutôt, on s’effondre sous le poids de l’épuisement. Ce ne sont pas des nuits de repos, mais des moments volés au chaos, où le sommeil est une fuite temporaire d’une réalité trop lourde à porter. Puis vient le matin, et avec lui, cette brutale confrontation : le réveil ne nous libère pas, il nous ramène face à la guerre – une guerre qui s'ajoute aux traumatismes laissés par la guerre civile, par l'explosion du 4 août, et par la lente agonie des crises économiques et sociales.

Et pourtant, dans ce tourbillon de douleurs, les véritables criminels prospèrent. Les mafieux au pouvoir, indifférents aux souffrances du peuple, continuent à protéger leur confort et à renforcer leurs positions. Pendant que les factions politiques maintiennent des dissensions intercommunautaires, jouant sur nos divisions pour mieux régner, l’appel à l’unité sous un seul drapeau est inexistant. Ils nourrissent nos peurs au lieu de les apaiser.

Le Hezbollah, de son côté, s'accroche à des récits de grandeur révolue. Ils se présentent encore comme puissants, alors que leur propre communauté, abandonnée, souffre en silence. Ils refusent obstinément de séparer les conflits du Liban de ceux de Gaza, alors qu’aucun Libanais ne veut cette guerre. Nous sommes malmenés, nous, le peuple libanais, comme un fétu de paille dans la tempête, ballottés entre des forces qui nous dépassent.

Mais aujourd’hui, il y a eu une parenthèse de bonheur, une heure volée à l’horreur de notre quotidien. Les petits réfugiés, hébergés avec leurs familles chez les Jésuites, ont été invités à un spectacle de clowns au théâtre Le Monnot. Pour un instant, les rires des enfants ont couvert le bruit des tragédies, et pendant une heure, l’insouciance a remplacé l’angoisse. Parce qu’au milieu de tout ce désespoir, il y a ces moments de lumière, où l’humanité reprend le dessus, ne serait-ce que pour une heure.

Josyane Boulos 

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Here’s the text translated into English:

So if I understand correctly, we’re dying like rats so that:

- Kamala has more chance to be elected,

- Bibi avoids prison, and

- Iran renegotiates with the USA.

Isn’t life beautiful?


There are nights when we don’t fall asleep, but rather collapse under the weight of exhaustion. These aren’t nights of rest, but moments stolen from chaos, where sleep is a temporary escape from a reality too heavy to bear. Then comes the morning, and with it, a brutal confrontation: waking up doesn’t liberate us, it drags us back into the war—a war that piles onto the trauma left by the civil war, by the explosion of August 4th, and by the slow agony of economic and social crises.

And yet, in this whirlwind of pain, the real criminals thrive. The mafiosos in power, indifferent to the suffering of the people, continue to protect their comfort and strengthen their positions. Meanwhile, political factions maintain intercommunal divisions, playing on our fractures to rule over us more easily, while the call for unity under a single flag is nowhere to be found. They feed our fears instead of calming them.

Hezbollah, for its part, clings to stories of bygone glory. They still present themselves as powerful, even though their own community, abandoned, suffers in silence. They stubbornly refuse to separate Lebanon’s conflicts from those in Gaza, even though no Lebanese wants this war. We, the Lebanese people, are battered like a straw in a storm, tossed between forces beyond our control.

But today, there was a brief moment of happiness, a stolen hour away from the horrors of our daily life. The little refugees, sheltered with their families by the Jesuits, were invited to a clown show at Le Monnot Theatre. For an instant, the children’s laughter drowned out the noise of the tragedies, and for an hour, innocence replaced fear. Because in the midst of all this despair, there are these moments of light, when humanity prevails, if only for an hour.


Josyane Boulos