jeudi 31 octobre 2024

Journal de Guerre 31 octobre 2024

 



(AI english translation below)

Des voitures visées en plein sur une autoroute, des immeubles qui s’effondrent à distance sans toucher le bâtiment d’à côté, un drone de surveillance omniprésent dans le ciel du Liban… Ces derniers mois, la guerre menée par Israël contre le Liban a pris un tournant glacial, un tournant technologique qui en rend la brutalité encore plus frappante. Ces drones, contrôlés de loin, frappent des zones civiles et militaires sans qu’un seul soldat ne soit sur le terrain. Derrière ces machines, on imagine de jeunes soldats, pour qui la guerre se déroule désormais comme un jeu vidéo, à distance, avec une étrange protection face aux répercussions humaines de leurs actes. Ça me fait réfléchir… Que reste-t-il de l’empathie ou du discernement quand la violence devient aussi « facile » et détachée ?

Les jeux vidéo violents, réalistes, pourraient-ils transformer notre rapport à la souffrance et à la violence ? Ne risquent-ils pas de rendre banale la douleur des autres, brouillant nos repères entre le bien et le mal ? 

Les images de violence sont partout dans ces jeux ; elles deviennent familières, presque banales. Gagner, souvent par la force, renforce vite l’idée que la violence est une manière normale d’obtenir ce que l’on veut. À force, ce geste devient presque automatique, détaché de la réalité et de ses conséquences humaines. Des études montrent que l’exposition à ces images peut atténuer la réaction émotionnelle face à la vraie violence. Au lieu du choc ou de la compassion, c’est l’habitude qui prend le dessus, comme si une partie de notre sensibilité s’érodait.

Un autre point qui m’inquiète, c’est cette désensibilisation face à la souffrance des autres. Dans ces mondes virtuels, les personnages blessés ou tués sont remplacés aussitôt, sans émotion ni réaction du joueur. La douleur des autres devient secondaire, presque invisible. Et quand la souffrance humaine devient juste un « mécanisme de jeu », comment croire que cela n’aura aucune répercussion sur la façon dont ces jeunes réagiront à la souffrance dans le monde réel ?

Il y a aussi la question de la déshumanisation. Dans certains jeux, les adversaires ne sont que des cibles à abattre, sans aucune humanité. À force de voir et de reproduire ce schéma, on peut craindre que cette vision se transfère, même inconsciemment, dans la vie réelle, surtout vis-à-vis de ceux qui semblent différents. Cela pourrait influencer profondément la manière dont ces jeunes voient les autres, les réduisant à des « ennemis » plutôt qu’à des personnes.

Ces jeux présentent souvent des situations moralement floues, où les héros sont des anti-héros, des personnages à la morale douteuse qui sont récompensés pour des actes de vengeance ou d’égoïsme. Cette confusion peut rendre difficile la construction d’une éthique claire. Sans un contrepoids venant de la famille ou de l’éducation, ces jeunes risquent de faire leur chemin avec une morale qui valorise la force et la revanche, au détriment de valeurs plus humaines.

Alors oui, je pense qu’il est crucial que les parents, les enseignants, et même les créateurs de jeux soient conscients de cette influence. Il faut qu’on aide les jeunes à naviguer dans ces mondes virtuels tout en restant connectés aux valeurs humaines. Mettre en place un cadre critique pour comprendre ces univers numériques pourrait, je l’espère, préserver leur capacité de discernement et d’empathie.


Josyane Boulos 


Cars targeted directly on the highway, buildings collapsing from a distance without touching the neighboring structures, a surveillance drone omnipresent in Lebanon’s sky… In recent months, the war waged by Israel against Lebanon has taken a chilling turn, a technological turn that makes its brutality even more striking. These drones, remotely controlled, strike both civilian and military areas without a single soldier on the ground. Behind these machines, one imagines young soldiers, for whom war now unfolds like a video game, at a distance, with an unsettling protection from the human repercussions of their actions. It makes me wonder… What remains of empathy or judgment when violence becomes so "easy" and detached?


Can violent, realistic video games transform our relationship to suffering and violence? Could they risk trivializing the pain of others, blurring our understanding of right and wrong?


Violent images are everywhere in these games; they become familiar, almost ordinary. Winning, often through force, quickly reinforces the idea that violence is a normal way to get what you want. Over time, this gesture becomes nearly automatic, detached from reality and its human consequences. Studies show that exposure to these images can dull emotional responses to real violence. Instead of shock or compassion, habit takes over, as if a part of our sensitivity is being eroded.


Another point that worries me is this desensitization to the suffering of others. In these virtual worlds, injured or killed characters are replaced instantly, without emotion or reaction from the player. The pain of others becomes secondary, almost invisible. And when human suffering is just a "game mechanism," how can we believe it will have no effect on how these young people react to suffering in the real world?


Then there’s the question of dehumanization. In certain games, opponents are merely targets to be eliminated, devoid of any humanity. Constant exposure to this pattern might, even subconsciously, transfer into real life, especially toward those perceived as different. This could profoundly shape how these young people view others, reducing them to "enemies" rather than people.


These games often present morally ambiguous situations, where heroes are anti-heroes, characters with questionable morals rewarded for acts of vengeance or selfishness. This ambiguity can complicate the formation of a clear ethical compass. Without a counterbalance from family or education, these young people risk navigating life with a morality that values strength and revenge over more humane virtues.


So yes, I believe it’s crucial for parents, educators, and even game creators to be aware of this influence. We must help young people navigate these virtual worlds while staying grounded in human values. Establishing a critical framework for understanding these digital universes could, I hope, preserve their capacity for empathy and discernment.


Josyane Boulos

dimanche 27 octobre 2024

Journal de guerre 27 octobre 2024

Photo Elie Bekhazi 



(AI English translation below) 

Vivre ici, au Liban, c’est comme avancer dans un tunnel interminable, un tunnel où l’obscurité semble dominer. Chaque jour apporte son lot de défis : obtenir un peu d’électricité, de l’eau, trouver un hôpital qui fonctionne, une école qui accueille encore. Les ressources sont devenues des trésors aussi rares que précieux. Mais même au cœur de ces difficultés, il y a quelque chose de plus fort, quelque chose qui nous garde debout.

La situation des déplacés ici est encore plus complexe. Ils ont quitté leur foyer en quête d’une paix fragile, d’une stabilité précaire. Malgré des conditions de vie indignes, ils avancent, jour après jour. Et dans ce quotidien fait de sacrifices, on voit surgir de petits élans de courage, des gestes de solidarité, des sourires, des liens tissés dans l’adversité. Eux aussi trouvent la force de continuer, d’espérer en un lendemain qui sera, peut-être, plus clément.



Quant à l’avenir, il est vrai qu’il semble flou. Mais il y a, malgré tout, cette étincelle d’espoir, cette envie d’aller plus loin, de reconstruire ce qui a été perdu. Ce n’est pas facile, et parfois il suffit de très peu pour éroder cet espoir. Mais il suffit aussi d’un seul instant de solidarité, d’une main tendue, d’un rire partagé pour raviver cette flamme.


Et, même dans cette incertitude, il y a des choses que l’on ne perd pas : la chaleur humaine, cette rage de vivre, de se serrer les coudes, de reconstruire un avenir ensemble. Oui, ce pays nous met à l’épreuve, mais il nous apprend aussi chaque jour la résilience. Il nous forge et nous rappelle que, même dans les ténèbres, nous sommes capables de lumière, de force, et de vie.


Josyane Boulos 


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Living here in Lebanon feels like moving through an endless tunnel, a tunnel where darkness seems to prevail. Each day brings its share of challenges: finding a bit of electricity, water, a working hospital, a school still open. Resources have become treasures, as rare as they are precious. Yet even in the heart of these difficulties, there is something stronger, something that keeps us standing.


The situation for displaced people here is even more complex. They left their homes in search of fragile peace, of precarious stability. Despite harsh living conditions, they move forward, day by day. And in this daily life of sacrifice, small acts of courage emerge, gestures of solidarity, smiles, and bonds forged through adversity. They, too, find the strength to keep going, to hope for a tomorrow that might, perhaps, be gentler.


As for the future, it’s true that it feels unclear. Yet there remains, despite everything, a spark of hope, a desire to go further, to rebuild what has been lost. It’s not easy, and sometimes it takes very little to erode that hope. But a single moment of solidarity, an extended hand, a shared laugh, is enough to rekindle that flame.


And even in this uncertainty, there are things we don’t lose: human warmth, the fierce will to live, to support each other, to rebuild a future together. Yes, this country tests us, but it also teaches us resilience every day. It shapes us and reminds us that, even in the dark, we are capable of light, strength, and life.


Josyane Boulos 


jeudi 24 octobre 2024

Journal de Guerre 24-10-24


(AI translation in English below) 

La véritable horreur de l’existence, disait Camus, n’est pas la peur de la mort, mais celle de la vie. Et au Liban, cette peur prend une forme particulière, celle d’une vie marquée par une répétition incessante des mêmes souffrances, des mêmes crises, des mêmes promesses non tenues. La guerre, sous ses multiples visages, est devenue une compagne familière, si omniprésente qu’elle a infiltré nos matins comme nos nuits. 


On se réveille chaque jour, non pas dans l’effroi d’un danger immédiat, mais dans la lente agonie de l’attente. Attente de solutions qui n’arrivent jamais, attente d’un avenir qui ne se dessine pas, attente que quelque chose, n’importe quoi, vienne briser cette spirale de désespoir. Car la peur, ici, n’est pas tant celle d’une bombe ou d’un conflit armé—bien que cela soit une réalité pour nous tous—mais celle que rien ne change, que l’on soit condamné à revivre sans fin les mêmes cycles de violence et de corruption.


Ce qui rend cette situation encore plus terrifiante, c’est cette impression d’être piégé dans une boucle, comme si chaque révolution, chaque soulèvement, chaque élan d’espoir ne faisait que nous ramener à un point de départ encore plus désolé. La guerre au Liban n’est plus seulement une question de fusils ou de frontières disputées; c’est une guerre intérieure, une guerre contre l’indifférence, contre l’épuisement collectif, contre l’abandon de l’idée même d’un futur différent.


Pour ceux qui, comme moi, vivent cette répétition des jours, il y a un sentiment profond de lassitude. La lassitude d’entendre encore et encore les mêmes discours vides des dirigeants, de voir les mêmes visages défiler à la télévision pour expliquer pourquoi rien ne peut changer. On devient des automates, des corps qui se déplacent dans un décor en ruines, avec l’espoir ténu qu’une quelconque étincelle viendra peut-être ranimer la flamme. 


Camus avait raison, la vraie horreur, ce n’est pas la mort. Ici, la mort est presque devenue une délivrance pour certains face à la perspective d’une vie sans issue, sans répit, sans évasion. Mais dans cette horreur, il y a aussi un désir de rupture. Un désir de voir, enfin, quelque chose se produire pour briser ce cycle infernal. Nous voulons croire qu’il est encore possible de se réveiller un jour et de découvrir un pays qui ne sera plus figé dans ses souffrances passées, un pays où chaque jour ne sera plus une répétition du dernier.


Alors, on attend. Mais jusqu’à quand?


Josyane Boulos 


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The true horror of existence, said Camus, is not the fear of death but the fear of life. And in Lebanon, this fear takes on a particular form—the fear of a life marked by the endless repetition of the same suffering, the same crises, the same unfulfilled promises. War, in its many faces, has become a familiar companion, so omnipresent that it has infiltrated our mornings as much as our nights.


We wake up each day, not in the terror of immediate danger, but in the slow agony of waiting. Waiting for solutions that never come, waiting for a future that never takes shape, waiting for something, anything, to break this spiral of despair. Because here, the fear is not so much that of a bomb or an armed conflict—though that is a reality for all of us—but the fear that nothing will ever change, that we are condemned to endlessly relive the same cycles of violence and corruption.


What makes this situation even more terrifying is the sense of being trapped in a loop, as if every revolution, every uprising, every flicker of hope only brings us back to an even more desolate starting point. The war in Lebanon is no longer just about guns or contested borders; it’s an internal war, a war against indifference, against collective exhaustion, against the abandonment of even the idea of a different future.


For those of us living through this repetition of days, there is a deep feeling of weariness. The weariness of hearing the same empty speeches from leaders over and over again, of seeing the same faces parade across the television explaining why nothing can change. We become automatons, bodies moving through a ruined landscape, with the faint hope that some spark may yet reignite the flame.


Camus was right—the real horror is not death. Here, for some, death has almost become a relief in the face of a life with no escape, no respite, no way out. But within this horror, there is also a desire for rupture. A desire to finally see something happen that will break this infernal cycle. We want to believe that it is still possible to wake up one day and discover a country no longer frozen in its past suffering, a country where each day will no longer be a repetition of the last.


And so, we wait. But for how long?


Josyane Boulos 


samedi 19 octobre 2024

Journal de Guerre 19 octobre 2024



(AI English translation below) 

Je suis allongée paisiblement sur mon canapé, sur ce balcon que j’aime tant. C’est mon refuge, mon coin de sérénité où j’ai pris plaisir à aménager plantes et meubles. Le doux soleil d’automne m’enveloppe tandis que je dévore mon dixième livre depuis le début de la guerre totale le 23 septembre. Le chat, détendu, s’étire sur la table. Une scène idyllique … ne serait ce le bruit incessant d’un drone israélien, assourdissant. Ne serait-ce que ce matin, l’aviation israélienne a bombardé Sahel Alma. « Une première » disent-ils dans les journaux. Pour moi, une première, c’est l’ouverture d’un rideau, une standing ovation et du champagne pour fêter ça… pas un bombardement. 

 Ce cher AA, envoie un ordre d’évacuation d’un quartier de Haret Hreik. Ma fille Valerie (autiste de 33 ans) sort au balcon me demander si elle peut prendre un gâteau au chocolat. Elle prend le chat dans ses bras.

 Une très forte déflagration. Je sursaute. Mais surtout je garde mon sang froid. Surtout ne pas lui faire peur. Ne pas nourrir la peur de ma fille. Je regarde l’immeuble d’en face. Tout comme moi, mon voisin a simplement un regard vers le ciel et reprend la lecture sur son cellulaire. 

Valérie me demande et se répond : c’est quoi maman? Les voisins on claqué une porte? 

Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle crie du balcon : « He ho les voisins ne claquez pas la porte. » Son déni à elle. 

Puis-je lui reprocher de se protéger ? 

Je fais de même : « hé ho les voisins attention aux portes » puis je lui dis « bien sûr tu peux prendre un gâteau au chocolat ma chérie. » 

 Nos enfants n’ont pas à revivre nos horreurs … nos erreurs. Et je les maudis tous : le gouvernement israélien barbare, le Hezbollah qui nous entraîne dans une guerre que nous ne voulons pas, l’Iran qui mène ses batailles jusqu’au dernier Libanais, le monde qui regarde déshumanisé et silencieux, les gouvernements occidentaux qui continuent à fabriquer et à livrer des armes, nos dirigeants successifs qui depuis des décennies laissent faire, insouciants du bien-être de leur peuple et nous, ce peuple qui, à force de tolérer l’inadmissible, en a fait la norme, acceptant qu’un pays étranger décide de la paix ou de la guerre chez nous en criant bel rou7 bel dam nafdika … » remplacez les 3 points par le nom de votre Zaïm préféré. 

 Je regarde Valerie savourer son gâteau, le chat, sourd comme un pot, se rendort, mes plantes se balancent doucement, indifférentes. Me sentant inutile, impuissante, je reprends ma lecture sous ce soleil qui continue à briller, sur le nord, le sud, la Bekaa, sur Israel et sur Gaza.

Josyane Boulos 

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I'm peacefully lying on my couch on this balcony that I love so much. It’s my refuge, my corner of serenity where I’ve enjoyed arranging plants and furniture. The gentle autumn sun envelops me as I devour my tenth book since the total war began on September 23. The cat, equally relaxed, stretches out on the table. An idyllic scene… if it weren’t for the incessant, deafening noise of an Israeli drone. Just this morning, the Israeli air force bombed Sahel Alma. “A first,” they say in the newspapers. For me, a first is the opening of a curtain, a standing ovation, and champagne to celebrate… not a bombing.

Dear AA sends an evacuation order for a neighborhood in Haret Hreik. My daughter Valerie (Autistic) comes out onto the balcony to ask if she can have a chocolate cake. She picks up the cat in her arms. A loud explosion. I jump. But above all, I keep my composure. I must not scare her. I must not feed my daughter's fear. I look at the building across from me. Like me, my neighbor simply gazes at the sky and resumes reading on his cellphone. Valerie asks me and answers herself: “What is it, mom? Did the neighbors slam a door?” I don’t have time to respond before she shouts from the balcony: “Hey, neighbors, don’t slam the door.” Her own denial. Can I blame her for wanting to protect herself? I do the same: “Hey, neighbors, watch out for the doors,” then I tell her, “Of course, you can have a chocolate cake, my dear.”

Our children shouldn’t have to relive our horrors… our errors.

And I curse them all: the barbaric Israeli government, Hezbollah dragging us into a war we don’t want, Iran fighting its battles to the last Lebanese, the world looking on, dehumanized and silent, the Western governments that continue to manufacture and deliver weapons, our successive leaders who have been indifferent for decades to the well-being of their people, and us, this people that, by tolerating the unacceptable, has made it the norm, accepting that a foreign country decides on peace or war in our land while shouting “bel rou7 bel dam nafdika…” replace the three dots with the name of your favorite Zaïm.

I watch Valerie savor her cake, the cat, deaf as a stone, falls back asleep, my plants sway gently, indifferent. Feeling useless, powerless, I return to my reading under this sun that continues to shine, over the north, the south, the Bekaa, over Israel and Gaza.


mardi 15 octobre 2024

Journal de guerre 15-10-2024



(AI translation below) 

Donc si j’ai bien compris, nous crevons comme des rats pour que : 

  • Kamala ait plus de chances d'être élue, 
  • Bibi évite la prison 
  • et l’Iran renégocie avec les USA. 

Elle est pas belle la vie?

Il y a ces nuits où l’on ne s’endort pas, mais plutôt, on s’effondre sous le poids de l’épuisement. Ce ne sont pas des nuits de repos, mais des moments volés au chaos, où le sommeil est une fuite temporaire d’une réalité trop lourde à porter. Puis vient le matin, et avec lui, cette brutale confrontation : le réveil ne nous libère pas, il nous ramène face à la guerre – une guerre qui s'ajoute aux traumatismes laissés par la guerre civile, par l'explosion du 4 août, et par la lente agonie des crises économiques et sociales.

Et pourtant, dans ce tourbillon de douleurs, les véritables criminels prospèrent. Les mafieux au pouvoir, indifférents aux souffrances du peuple, continuent à protéger leur confort et à renforcer leurs positions. Pendant que les factions politiques maintiennent des dissensions intercommunautaires, jouant sur nos divisions pour mieux régner, l’appel à l’unité sous un seul drapeau est inexistant. Ils nourrissent nos peurs au lieu de les apaiser.

Le Hezbollah, de son côté, s'accroche à des récits de grandeur révolue. Ils se présentent encore comme puissants, alors que leur propre communauté, abandonnée, souffre en silence. Ils refusent obstinément de séparer les conflits du Liban de ceux de Gaza, alors qu’aucun Libanais ne veut cette guerre. Nous sommes malmenés, nous, le peuple libanais, comme un fétu de paille dans la tempête, ballottés entre des forces qui nous dépassent.

Mais aujourd’hui, il y a eu une parenthèse de bonheur, une heure volée à l’horreur de notre quotidien. Les petits réfugiés, hébergés avec leurs familles chez les Jésuites, ont été invités à un spectacle de clowns au théâtre Le Monnot. Pour un instant, les rires des enfants ont couvert le bruit des tragédies, et pendant une heure, l’insouciance a remplacé l’angoisse. Parce qu’au milieu de tout ce désespoir, il y a ces moments de lumière, où l’humanité reprend le dessus, ne serait-ce que pour une heure.

Josyane Boulos 

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Here’s the text translated into English:

So if I understand correctly, we’re dying like rats so that:

- Kamala has more chance to be elected,

- Bibi avoids prison, and

- Iran renegotiates with the USA.

Isn’t life beautiful?


There are nights when we don’t fall asleep, but rather collapse under the weight of exhaustion. These aren’t nights of rest, but moments stolen from chaos, where sleep is a temporary escape from a reality too heavy to bear. Then comes the morning, and with it, a brutal confrontation: waking up doesn’t liberate us, it drags us back into the war—a war that piles onto the trauma left by the civil war, by the explosion of August 4th, and by the slow agony of economic and social crises.

And yet, in this whirlwind of pain, the real criminals thrive. The mafiosos in power, indifferent to the suffering of the people, continue to protect their comfort and strengthen their positions. Meanwhile, political factions maintain intercommunal divisions, playing on our fractures to rule over us more easily, while the call for unity under a single flag is nowhere to be found. They feed our fears instead of calming them.

Hezbollah, for its part, clings to stories of bygone glory. They still present themselves as powerful, even though their own community, abandoned, suffers in silence. They stubbornly refuse to separate Lebanon’s conflicts from those in Gaza, even though no Lebanese wants this war. We, the Lebanese people, are battered like a straw in a storm, tossed between forces beyond our control.

But today, there was a brief moment of happiness, a stolen hour away from the horrors of our daily life. The little refugees, sheltered with their families by the Jesuits, were invited to a clown show at Le Monnot Theatre. For an instant, the children’s laughter drowned out the noise of the tragedies, and for an hour, innocence replaced fear. Because in the midst of all this despair, there are these moments of light, when humanity prevails, if only for an hour.


Josyane Boulos


vendredi 11 octobre 2024

Le Libanais Typique - Journal de Guerre 11-10-24

 




(AI English translation below) 

11-10-24 

Envie d'être plus légère ce soir... Malgré tout.

On pourrait penser qu’être typiquement libanais, c’est savoir préparer le taboulé avec le persil plat, conduire comme un taré, dire Yalla ! à tout bout de champ ou se disputer qui va payer l’addition au resto. Ce n’est pas du tout ça ! Être typiquement libanais c’est :

  • Recevoir une vidéo/ ou un article d’un journal étranger parlant du Liban et l’envoyer immédiatement à tous ses contacts Whatsapp qui l’enverront à tous leurs contacts. Tu le recevras donc 15 fois. Nous sommes, il ne faut pas l’oublier, le nombril du monde.
  • Avoir plusieurs UPS à la maison : un pour l’ordi, un pour la Wifi et un pour la PlayStation/XBox des gosses (pour les étrangers go Google UPS)
  • Avoir un répertoire d’insultes très varié qui s’adresse à Satanyahu et son sbire Avichie Azrael, à toutes les instances de l’état qui se réveillent un peu trop tard et à toutes les milices qui nous ont fait arriver ici pour la gloire d’autres drapeaux.
  • Te hérisser et entrer dans une rage folle quand tu apprends que le voisin du sud veut s’approprier le hommos et la manouché.
  • Faire un doigt d’honneur au drone qui sans cesse ronronne au-dessus de nos têtes.
  • Défendre un « zaïm » qui te suce le sang. Tu l’applaudis par réflexe probablement. J’espère pour toi.
  • Être Libanais c’est te hérisser quand tu as lu la phrase du haut, parce que tu es encore un « zaïmien » mais le tien c’est le bon, il ne faut pas mélanger les serviettes et les torchons, Je ne sais pas par quel tour de baguette magique tu as oublié toutes les horreurs qu'il a commises pendant la guerre. (Je parie que maintenant, tu penses au zaïm de l'autre camp et que tu vas arrêter de lire ce texte, car tu n'arrives pas à prendre du recul sur la situation.)
  • Dormir sous les bombes et le lendemain aller au travail, à l’école, à la plage. Tu mettras sur les réseaux les photos des bombardements mais pas de la plage. Faut pas exagérer quand même !
  • Apprendre à ses enfants dès leur plus jeune âge que quand ils seront grands, ils vont aller vivre ailleurs en sécurité. Parce qu’ici rien n’est stable, tout peut flamber n’importe quand.
  • Inventer le mot « fresh dollars »
  • C’est y croire encore. Se battre encore pour sauver les restes. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais ce n’est sûrement pas pour l’odeur de la manouché, du jasmin et le goût des amandes vertes. Peut-être parce qu’abandonner est une forme de défaite.
  • C’est faire partie d’une petite communauté de 4 millions de personnes sur un petit territoire de 10452 km2 et être plus désunis et intolérants que la Terre entière.
  • Ce qui ne t’empêche pas de faire preuve d’un élan de solidarité fédérateur pour aider ton prochain.
  • Et surtout être typiquement libanais c’est vivre dans la sous-merde et appeler ça « résilience. »

Josyane Boulos 

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10-11-24 

Feeling like being lighter tonight… Despite everything.

One might think that being typically Lebanese means knowing how to prepare tabbouleh with flat-leaf parsley, driving like a maniac, saying “Yalla!” at every opportunity, or arguing over who will pay the restaurant bill. That’s not it at all! Being typically Lebanese means:


  • Receiving a video or an article from a foreign newspaper about Lebanon and immediately sending it to all your WhatsApp contacts, who will then forward it to all their contacts. You’ll end up receiving it 15 times. We are, after all, the center of the universe.
  • Having several UPS units at home: one for the computer, one for the WiFi, and one for the kids' PlayStation/Xbox (for foreigners, go Google UPS).
  • Having a very colorful repertoire of insults directed at Satanyahu and his henchman Avichie Azrael, at all state authorities who wake up a bit too late, and at all the militias that got us here for the glory of other flags.
  • Getting outraged and entering a blind rage when you hear that the neighbor to the south wants to claim hummus and manousheh as their own.
  • Flipping the bird at the drone constantly buzzing above our heads.
  • Defending a "zaim" who’s sucking your blood. You probably applaud him out of reflex. I hope so, for your sake.
  • Being Lebanese means getting furious when you read the above sentence, because you’re still a "zaim-ist" but yours is the good one, of course. We mustn't mix napkins and rags. I don't know by what magic trick you've forgotten all the horrors he committed during the war. (I bet now you're thinking of the zaim from the other side and will stop reading this text because you can't take a step back from the situation.)
  • Sleeping under bombs and going to work, school, or the beach the next day. You'll post pictures of the bombings on social media, but not of the beach. We have to maintain some decency!
  • Teaching your kids from a young age that when they grow up, they’ll go live elsewhere, somewhere safe. Because here, nothing is stable, everything can blow up at any moment.
  • Inventing the term “fresh dollars.”
  • It’s still believing. Still fighting to save what’s left. Why? I don’t know. But it's definitely not for the smell of manousheh, jasmine, and the taste of green almonds. Maybe because giving up is a form of defeat.
  • It’s being part of a small community of 4 million people on a small territory of 10,452 km² and being more divided and intolerant than the rest of the world.
  • Which doesn’t stop you from showing a wave of unifying solidarity to help your fellow citizen.
  • And above all, being typically Lebanese means living in the worst conditions and calling it "resilience."

Josyane Boulos 




jeudi 10 octobre 2024

Journal de Guerre 10-10-24

 

(AI english translation below) 

10-10-24 

Israel vient de bombarder le coeur de Beyrouth. Basta et Ras el Nabeh. A deux minutes du théâtre Monnot. Mon lieu de travail. Un quartier très peuplé. Il semble qu'un immeuble entier s'est effondré. Sans un ordre d'évacuation préalable de Avichay Adraee.  Je pense avoir compris leur stratégie : Quand il y a un ordre, ils bombardent un dépôt de munitions. Quand ils ne le font pas, ils ciblent quelqu'un de précis. 

Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de me demander : combien de temps cette guerre va-t-elle encore durer ?  Certains disent quelques mois, d'autres parlent de plusieurs années. Une guerre civile ? Je n’y crois pas vraiment. Les Libanais n’en ont ni l’envie, ni l’énergie. Pourtant, l’ambiance est tendue, et cette tension prolongée pourrait bien dégénérer... Il faut rester tellement vigilant. Travailler pour rester unis. Oublier les haines pour se rapprocher de l'autre.  Je pense souvent à ce qu’il faudrait faire pour éviter ça. Peut-être qu’il est temps de reconnaître que personne n’a gagné dans nos guerres passées. On est tous perdants. Il nous faut un nouveau départ, un vrai, avec un système politique fonctionnel et un État digne de ce nom. Mais en parler est tellement plus simple que de le réaliser.

Et Israël ? C’est étrange, malgré toutes les violations du droit international, personne ne semble réagir. Je me dis que l’Europe est encore marquée par la Shoah et que, pour l’Occident, Israël reste un allié indispensable dans cette région instable. En plus, ils ont créé des réseaux d’influence tellement forts qu’ils sont intouchables. Il y avait sur Facebook il y deux jours l'image d'un graffiti à Berlin qui disait " Arrêtez de faire porter à la Palestine, la culpabilité de l'Allemagne." 

Au Liban, c’est la confusion. On évoque les résolutions 1701 et 1559, mais c’est loin d’être suffisant. Notre classe politique est complètement dépassée par tout ça, consciente de ses limites. La présidentielle est toujours bloquée, et même avec la pression des États-Unis, j’ai du mal à voir comment ça va se débloquer.

Les pays arabes, eux, restent silencieux. Ça ne m’étonne pas vraiment. Tant qu’Israël s’en prend principalement au Hezbollah, ils ne bougeront pas. Le Hezbollah, d’ailleurs, a modifié son discours, il ne lie plus la fin des combats au Liban à ce qui se passe à Gaza, mais honnêtement, ça ne change rien pour le moment. 

Tout repose sur Israël?  Est-ce eux uniquement qui décideront quand cette guerre prendra fin? Tant que le Hezbollah ne désarme pas, ils ne lâcheront rien. La « Résistance » à Israël reste un symbole fort pour la communauté chiite, mais je me demande si cette vision survivra à cette guerre. Si le Liban survivra à cette guerre. Si ma santé mentale survivra à cette guerre. 

Pour l’instant, je n’ai aucun signe que cela se terminera bientôt. Israël est déterminé à affaiblir le Hezbollah, avec l’appui des États-Unis, tandis que l’Iran ne semble pas prêt à perdre cette carte stratégique.

Et le drone lui continue sa promenade sur nos têtes. Le jour ou il va s'éteindre pour de bon, on va subir un grand vide sonore. 

Josyane Boulos. 


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10-10-24

Israel has just bombed the heart of Beirut. Basta and Ras el Nabeh. Two minutes from Théâtre Monnot—my workplace. A densely populated neighborhood. It seems an entire building has collapsed. And this, without a prior evacuation order from Avichay Adraee. I think I’ve understood their strategy: When there's an order, they bomb a weapons depot. When they don’t, they’re targeting a specific individual.

Today, I can’t help but wonder: how much longer will this war last? Some say a few months, others talk of years. A civil war? I don’t really believe it. The Lebanese have neither the will nor the energy for that. Yet, the atmosphere is tense, and these prolonged tensions could very well escalate... We have to stay vigilant, work towards unity, and forget the hatred to come closer to one another. I often think about what we could do to prevent this. Maybe it’s time to acknowledge that no one has won in our past wars. We’re all losers. We need a fresh start, a real one, with a functioning political system and a state worthy of the name. But talking about it is so much easier than actually doing it.

And Israel? It’s strange. Despite all the violations of international law, no one seems to react. I think Europe is still haunted by the trauma of the Holocaust, and for the West, Israel remains an indispensable ally in this unstable region. Plus, they’ve built such strong influence networks that they’re untouchable. Two days ago, there was an image on Facebook of a graffiti in Berlin that said, "Stop making Palestine pay for Germany's guilt."

In Lebanon, it’s confusion. We talk about the implementation of Resolutions 1701 and 1559, but it’s far from enough. Our political class is completely overwhelmed, aware of its limitations. The presidential election remains blocked, and even with U.S. pressure, I struggle to see how we’ll get out of this stalemate.

The Arab countries? Silent. I’m not surprised. As long as Israel’s main target is Hezbollah, they won’t intervene. Hezbollah, by the way, has adjusted its discourse, no longer linking a ceasefire in Lebanon to the end of the fighting in Gaza. But honestly, that doesn’t change much for now.

Is everything up to Israel? Are they the only ones who will decide when this war ends? As long as Hezbollah doesn’t disarm, Israel won’t back down. The “Resistance” against Israel remains a powerful symbol for the Shiite community, but I wonder if this vision will survive the war. If Lebanon will survive the war. If my mental health will survive the war.

For now, I see no signs that this will end soon. Israel is determined to weaken Hezbollah, with the backing of the U.S., while Iran doesn’t seem ready to give up such a strategic card.

And the drone continues its stroll over our heads. The day it finally stops for good, we’ll be left with a great, empty silence.

Josyane Boulos.


mercredi 9 octobre 2024

Journal de Guerre 09 -10- 2024

 

Photo AFP

(AI english translation below) 

09 Octobre 2024 

Elle continue la guerre. 368 jours à Gaza, 367 au Sud Liban, 17 à Beyrouth. 

Le pire, c’est qu’on va s’adapter. Je le sens chez mes amis. “Aujourd’hui, je vais me remettre à cuisiner.” “Je vais recommencer à faire des bijoux.” “L’école a repris.” Comme lors des moments les plus sombres de la guerre dite civile, on enfilait nos baskets pour courir dans la rue, échapper aux balles des franc-tireurs, et on gardait nos talons dans la voiture pour aller danser… Plus on s’adapte, plus ça les énerve, ceux d’en face, et plus ils vont bombarder. Notre “gouvernement” pensera : “Regarde, ils vont bien.” Les mafieux continueront à se remplir les poches.

Efforts et pressions pour épargner l'aéroport… parce que le Vampire Bibi risque de le détruire. On le dérange, nous, avec notre résistance, notre obstination à rester debout. Depuis des décennies, on les emmerde. Peut-être qu’il a eu une maîtresse chiite qui l’a tellement fait souffrir qu’il veut maintenant tout détruire.

Je continue de faire de la propagande pro-Liban avec mes amis à l’étranger. Je les pousse à parler de nous, constamment. Et puis il y a Bibi Netanyahu (sérieusement, qui lui a donné ce surnom ? Bibi, c’est doux !), qui, dans un court discours, nous intime de “nous débarrasser du Hezbollah ou de voir le Liban réduit en poussière.” Tranquillou. Ça ne gêne personne. Le monde se tait, le monde continue. Mais bonnes gens, la Seconde Guerre mondiale c’était il y a moins de 100 ans. Vous n’avez rien appris ? 

Je pense qu’à force de jouer à des jeux vidéo violents, les nouvelles générations pensent que la guerre est dérisoire. Attendez qu’elle arrive chez vous, on en reparlera.

Le Liban propose de construire des villages de préfabriqués pour les déplacés. Pourquoi ne pas proposer un plan de paix pour qu’ils reviennent chez eux ? Arrêtons d’improviser. Si le gouvernement libanais est incapable de trouver de vraies solutions, qu’il se barre. Une fois pour toutes.

Mikati déclare que les efforts se poursuivent pour un cessez-le-feu “d’une durée limitée.” Pourquoi limitée, Habibi ? Comme au temps du confinement ? Les jours pairs, on fait la guerre, les jours impairs, on cesse le feu ?

D’ailleurs, vous vous souvenez des grandes révélations pendant le confinement ? Relations sociales, travail, inégalités… Le Covid a tout chamboulé. Il nous a aussi rappelé à quel point la solidarité devait être au cœur de nos vies. Solidarité envers qui ? Juste envers celui qui te ressemble ? La fameuse crise existentielle dont on parle tant en philosophie, nous, c’est tous les jours, depuis toujours. Malheureusement, en Occident, cette prise de conscience n’a pas duré longtemps.

Ah, au fait, le drone n’a pas quitté notre ciel. Je me demande sur quoi il fonctionne. Ce serait bien d’utiliser cette technologie pour alimenter l’électricité inexistante du Liban.


Bonne nuit.

Josyane Boulos 


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And the war continues : 368 days in Gaza, 367 in South Lebanon, 17 in Beirut. 

The worst part is, we’re going to adapt. I can feel it in my friends. "Today, I’m going to start cooking again." "I’ll get back to making jewelry." "School has resumed." Just like in the darkest moments of the so-called civil war, when we’d put on our sneakers to run across the street, dodging snipers’ bullets, and kept our heels in the car to go dancing... The more we adapt, the more it will irritate those on the other side, and the more they’ll bomb us. Our "government" will think, "Look, they’re doing fine." And the mafia will keep lining their pockets.

Efforts and pressure to spare the airport… because Vampire Bibi might destroy it. We bother him with our resistance, our determination to keep standing. We’ve been a thorn in their side for decades. Maybe he had a Shiite mistress who hurt him so much that he now wants to destroy everything.

I keep doing pro-Lebanon propaganda with my friends abroad. I push them to keep talking about us. And then there’s Bibi Netanyahu (seriously, who gave him that nickname? Bibi sounds so gentle!), who, in a brief speech, orders us to "get rid of Hezbollah or watch Lebanon be reduced to dust." Casually. No one’s bothered. The world remains silent, and life goes on. But good people, World War II was less than 100 years ago. Did you learn nothing?

I think that after playing violent video games for so long, new generations really believe war is trivial. Just wait until it comes to your doorstep, and then let’s talk...

Lebanon is proposing the construction of prefab villages for displaced people. Why not propose a peace plan so they can return home? Let’s stop improvising. If the Lebanese government is incapable of finding real solutions, let them leave. Once and for all.


Mikati says that efforts are ongoing for a "limited" ceasefire. Why limited, Habibi? What does that even mean? Like during the lockdown? On even days, we wage war; on odd days, we cease fire?

Speaking of lockdowns, remember the grand philosophical and human revelations we had? Social relations, work, inequalities… Covid shook everything up. It also reminded us how much solidarity should be at the heart of our lives. Solidarity with whom, though? Just those who look like you? That famous existential crisis we hear so much about in philosophy... for us, it’s every day, and has been for as long as we can remember. Unfortunately, in the West, that awareness didn’t last long.

Oh, by the way, the drone hasn’t left our sky. I wonder what powers it. It would be nice to use that technology for Lebanon’s nonexistent electricity.

Good night.

Josyane Boulos

mardi 8 octobre 2024

Journal de guerre 08 -10 - 24

 


 (AI English Translation below) 

08 octobre 2024

C’est bizarre. Il y a plus de moustiques maintenant qu’en plein été. J’aurais pensé qu’avec tout ce phosphore et l’uranium appauvri ils auraient été éradiqués.

La nuit a été calme à Beyrouth à partir de 11 heures. Bizarre aussi…

Ce matin photos passeport pour le visa Schengen. Puis direction le théâtre. Ça fait du bien d’être au bureau même si on prétend travailler.

Nous avons accueilli les enfants des familles soudanaises qui ont fui le Sud pour se réfugier chez les jésuites. Coloriage, goûter, bonne humeur des enfants. Aidez son prochain reste encore le meilleur remède contre la déprime. J’espère pouvoir la semaine leur organiser un petit spectacle de cirque.

Jacques Maroun, le célèbre metteur en scène et ami est passé au Monnot et nous avons discuté de possibilités d’offrir des activités gratuites aux voisins du Monnot, aux spectateurs de la région. Affaire à suivre.

Donc pendant près de 4 heures je n’ai pas ouvert les réseaux sociaux ni le journal. Je n’ai même pas entendu ce maudit Drone MK de surveillance qui rugit non-stop sur nos têtes. Je n’ose même pas penser à ce qui va arriver ce soir.

De retour à la maison je mets de la musique à haut volume pour cacher le bruit de cet engin diabolique. Je suis persuadé que les Israéliens utilisent exprès un drone sonore pour mettre nos nerfs à bout. Ils en ont sûrement des silencieux. Fils de merde de cafards.

J’ouvre l’Orient et je tombe sur ça : Naïm Kassem : Priorité au cessez-le-feu, le reste n'est qu'un détail. Le secrétaire général adjoint du Hezbollah a soutenu les efforts de Nabih Berry pour obtenir une solution diplomatique, mais remet la présidentielle à plus tard.

Parce que la présidentielle est un détail ? Deux ans sans président, deux ans sans gouvernement. Aucun Capitaine à la tête du navire. Les mêmes qui veulent nous sauver alors qu’ils nous ont noyé. Dégagez Bon sang. Je n’ai plus d’insultes à mon vocabulaire. Cette guerre les libanais N’EN VEULENT PAS. Alors Basta, Khalas, Finito, Finish, Fini !

Et éteignez le drone en sortant.

Bonne nuit.

Josyane Boulos 

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It's strange. There are more mosquitoes now than in the middle of summer. I would have thought with all this phosphorus and depleted uranium, they would’ve been wiped out.**

The night was calm in Beirut after 11 PM. Strange, too…

This morning, passport photos for the Schengen visa, then off to the theater. It feels good to be at the office, even if we’re only pretending to work.

We welcomed the children of Sudanese families who fled the South and took refuge with the Jesuits. Coloring, snacks, and the cheerful mood of the children. Helping others is still the best cure for depression. I hope to organize a little circus show for them next week.

Jacques Maroun, the famous director and friend, stopped by Le Monnot, and we discussed possibilities for offering free activities to our Monnot neighbors and local audiences. To be continued.

So for nearly four hours, I didn’t check social media or the news. I didn’t even hear that cursed MK surveillance drone that roars nonstop above our heads. I don’t even want to think about what will happen tonight.

Back home, I turn up the music to drown out the noise of that devilish machine. I’m convinced the Israelis are deliberately using a noisy drone to fray our nerves. They surely have silent ones. Sons of roaches.

I open L’Orient and come across this: "Naïm Kassem: Priority is the ceasefire, everything else is just a detail." The Deputy Secretary-General of Hezbollah supports Nabih Berry’s efforts for a diplomatic solution but delays the presidential election.

Because the presidency is just a detail? Two years without a president, two years without a government. No captain at the helm of the ship. The same ones who want to save us are the ones who drowned us. Get out, for God’s sake. I’ve run out of insults in my vocabulary. The Lebanese DO NOT WANT THIS WAR. So basta, khalas, finito, finish!

And turn off the drone on your way out.

Good night.

Josyane Boulos


Journal de Guerre 07-10-2024


 (AI English Translation below) 

07-10-2024

Les libanais sont tellement traumatisés, qu’ils ont l’impression qu’ils n’ont pas droit au bonheur.

L'odeur de poudre, de caoutchouc brûlé, de fumée est abominable. Le ciel est gris foncé de fumée. A tel point que ma fille m'a demandé à midi : Maman pourquoi le soleil se couche? 

7 octobre. Cette date restera toujours - et même après - pour moi l’anniversaire de mon aîné qui a aujourd’hui 35 ans. J’avais accouché à Courbevoie dans la banlieue parisienne. Pas par choix. Nous avions été au mariage de ma sœur en Alsace en Juillet. Au Liban la guerre (laquelle me diriez-vous ? Celle de la libération (ha-ha-ha) menée par Aoun contre les syriens.) Et, l’aéroport étant fermé et ma grossesse avancée, nous nous sommes retrouvés bloqués à Paris jusqu’à début novembre. Je refuse que dans ma mémoire personnelle elle soit synonyme du début d’encore une guerre.

C’est fou ce que l’être humain aime la guerre et aime s’entretuer. Je ne le comprendrais jamais. D’ailleurs c’est incompréhensible. La violence n’a jamais été la solution pour n’importe quoi. Je me suis souvent demandée, si au lendemain du massacre par le Hamas, le gouvernement Netanyahu avait compris qu’il fallait trouver une solution et entamer les processus de paix. Mais non… Malheureusement.

J’ai passé la journée à tourner en rond. J’étais assez déprimée je l’avoue. L’inaction me lasse et la réaction des médias occidentaux me dégoutent. Faire des deals avec les Iraniens sur le dos libanaise fait vomir. Donner un blanc-seing à Netanyahu est abominable.  J’ai entendu une idiote sur un post Instagram (un clip tiré d’une émission TV en France) dire que les palestiniens n’existent pas. Que c’est une invention. Jusqu’où ira cette propagande mensongère ? HALLUCINANT. Et jusqu’à quand le Hezbollah va continuer à mener le peuple libanais au suicide ? Pas avant les élections américaines me dit-on. Que de fois j’ai entendu cette phrase. Que de fois notre sort a semblé être tributaire des élections américaines… Quand apprendrons-nous à compter sur nous-mêmes ? quand serons-nous unis ?


La nuit ne va pas tarder. Et avec elle les ordres d’évacuation lancés par l’armée israélienne, l’armée la plus morale du monde (!). Vers 22h un mur du son. Je vais m’asseoir près de ma fille sur son lit (Valérie a 35 ans et elle est autiste). Elle me regarde de travers et me demande :

  • Qu’est-ce que tu fais la ?
  • Je suis venue voir si tu vas bien
  • Oui ce sont des feux d’artifices. Je vais dormir.

La puce essaye de se convaincre que c’est soit des feux d’artifices soit l’orage. Je lui avais expliqué que ce sont des bombes et la guerre mais elle préfère ignorer. Je la laisse faire. Si ça la repose, pourquoi changer les choses ? 


 Bonne nuit.


Josyane Boulos 


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The Lebanese are so traumatized that they feel like they don’t deserve happiness.

The smell of gunpowder, burning rubber, and smoke is unbearable. The sky is dark gray with smoke. To the point that my daughter asked me at noon: "Mom, why is the sun setting?"

October 7th. This date will always—and even after—be, for me, my eldest son's birthday. He is 35 today. I gave birth in Courbevoie, in the suburbs of Paris. Not by choice. We had gone to my sister’s wedding in Alsace in July. In Lebanon, the war was raging (which one, you may ask? The so-called Liberation War led by Aoun against the Syrians). And, with the airport closed and my pregnancy advanced, we found ourselves stuck in Paris until early November. I refuse to let this date in my personal memory become synonymous with the start of yet another war.

It's crazy how humans seem to love war and killing each other. I will never understand it. Actually, it’s incomprehensible. Violence has never been the solution to anything. I often wonder, if after the Hamas massacre, Netanyahu’s government had realized that a solution was needed and began peace talks. But no… sadly, they didn’t.

I spent the day pacing around. I was pretty depressed, I admit. The inaction tires me, and the reaction from Western media disgusts me. Making deals with the Iranians at Lebanon’s expense is sickening. Giving Netanyahu a blank check is atrocious. I heard some idiot on an Instagram post (a clip from a French TV show) saying that Palestinians don’t exist. That it’s a fabrication. How far will this false propaganda go? UNBELIEVABLE. And how long will Hezbollah continue to lead the Lebanese people to suicide? Not before the U.S. elections, they say. I’ve heard that phrase so many times. How often has our fate seemed tied to American elections? When will we learn to rely on ourselves? When will we be united?

Night is approaching. And with it, the evacuation orders from the Israeli army—the most moral army in the world (!). Around 10 PM, there’s a sonic boom. I sit next to my daughter on her bed (Valérie is 35, and she’s autistic). She gives me a sideways glance and asks:

“What are you doing here?”

“I came to check if you’re okay.”

“Yes, those are fireworks. I’m going to sleep.”

My little one is trying to convince herself that it’s either fireworks or a thunderstorm. I had explained to her that these are bombs, that this is war, but she prefers to ignore it. I let her. If it gives her peace, why change things? Good night.

Josyane Boulos

lundi 7 octobre 2024

JOURNAL DE GUERRE 06 -10-2024


 

(AI English translation Below) 

Le quotidien à Beyrouth est devenu un cauchemar depuis le début des frappes israéliennes. Cela fait  huit jours (comme une année) que la guerre totale a englouti le Liban, avec plus de 9 100 attaques israéliennes à travers le pays depuis le 8 octobre 2023.

Depuis le lundi 22 octobre, la vie dans la capitale est devenue insupportable. Les bombardements touchent principalement la banlieue sud de Beyrouth, à seulement 600-800 mètres de chez moi à vol d’oiseau.  Et le drone de surveillance israelien bourdonne sans arrêt dans notre ciel. 

Chaque nuit est marquée par des frappes aériennes qui commencent aux alentours de minuit pour se poursuivre jusqu'à 3h30 du matin. Sur X (anciennement Twitter), le porte-parole de l'armée israélienne publie des messages avertissant les habitants de certains immeubles d'évacuer immédiatement, car les bombardements sont imminents. Les familles fuient en pleine nuit, souvent en pyjama, ne sachant pas où aller, emportant ce qu'elles peuvent dans un désespoir absolu.

Ce qui est particulièrement déchirant, c'est que ces frappes visent généralement des dépôts d'armes, placés en plein milieu des habitations civiles par le Hezbollah. Cela souligne une triste réalité : les gouvernements successifs du Liban depuis 2004 n'ont jamais réellement pris en compte les intérêts de notre population.

Chaque matin, nous comptons les morts, les blessés, et les immeubles détruits, que ce soit à Beyrouth, dans la montagne, à la Bekaa ou au Sud. Le présent est si lourd que je n'arrive même plus à penser à l'avenir. Mon esprit est comme figé dans une brume anesthésiante. Je ne fais rien, je lis, je suis les nouvelles, je dors par moments pour rattraper les nuits sans sommeil. De temps en temps, des amis passent et on partage une bouteille en se donnant du courage.

Je tente de mobiliser mes amis à l’étranger pour qu’ils parlent du Liban, car nous savons que bientôt, comme toujours, nous ne serons plus qu’un fait divers dans les médias internationaux. Seuls les réseaux sociaux continueront à relayer notre réalité, mais même là, la diffusion de nos posts diminue de manière inquiétante. Avant, j'avais facilement un minimum de 200 likes sur mes publications, aujourd'hui, je n'en reçois que 10 ou 20.

C’est un sentiment étrange, d’observer le monde continuer comme si de rien n'était, tandis que notre avenir semble inexistant.


Josyane Boulos.


Daily Life in Beirut Has Become a Nightmare


Since the beginning of Israeli strikes, life in Beirut has turned into a nightmare. It’s been eight days (feeling like a year) since total war engulfed Lebanon, with over 9,100 Israeli attacks across the country since October 8, 2023.

Since Monday, October 22, life in the capital has become unbearable. The bombings are primarily hitting the southern suburbs of Beirut, just 600-800 meters away from my home, as the crow flies. And the incessant buzzing of Israeli surveillance drones haunts our skies.

Every night is marked by airstrikes, beginning around midnight and lasting until 3:30 AM. On X (formerly Twitter), the Israeli army spokesperson sends messages warning residents of certain buildings to evacuate immediately, as bombings are imminent. Families flee into the night, often in pajamas, not knowing where to go, carrying whatever they can in absolute despair.

What is particularly heartbreaking is that these strikes often target weapons depots placed right in the middle of civilian areas by Hezbollah. This highlights a grim reality: Lebanon's successive governments since 2004 have never truly considered the well-being of our population.

Every morning, we tally the dead, the injured, and the destroyed buildings—whether in Beirut, the mountains, the Bekaa Valley, or the South. The present is so heavy that I can’t even think about the future. My mind feels frozen in an anesthetizing fog. I do nothing but read, follow the news, and sleep occasionally to make up for sleepless nights. Sometimes friends come over, and we share a bottle of wine, trying to muster up some courage.

I’m trying to mobilize my friends abroad to speak up about Lebanon, because we know that soon, as always, we’ll become just another footnote in international news. Only social media will continue to tell our reality, but even there, the reach of our posts is alarmingly declining. Before, I’d easily get at least 200 likes on my posts—today, I barely receive 10 or 20.

It’s a strange feeling, watching the world move on as if nothing is happening, while our future seems nonexistent.

Josyane Boulos